Mise à jour : 17/12/2024
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De nombreux jeux proposés sur internet offrent la possibilité de dépenser de l’argent, le participant espérant en contrepartie gagner un lot ou une somme d’argent. Il peut s'agir d'une loterie publicitaire, d'un jeu de casino ou de paris en ligne, de "eSport", de jeux boursiers, de skill game, de jeux vidéo etc. …
Pourtant, avant de lancer un jeu d'argent sur internet, il est nécessaire de déterminer si l’opération envisagée constitue un jeu prohibé.
Ces jeux sont-ils légaux en droit français ?
Les principales dispositions légales concernant les jeux d'argent et de hasard se trouvent dans :
· Le Code de la Sécurité Intérieure aux articles 320-1 et suivant dans sa version applicable à compter du 1er janvier 2020 (ci-après CSI).
Il faut réserver le cas des DROM-COM (départements et régions d'outre-mer et collectivités d'outre-mer) qui disposent de législations locales spécifiques ( exemple Nouvelle Calédonie)
Ces textes posent l'interdiction générales des jeux d'argent et de hasard à 3 conditions (partie 1), sauf si l'on peut bénéficier d'exceptions légales, par exemple celle sur les loteries publicitaires (partie 2).
L’interdiction des jeux d’argent et de hasard est principalement justifiée par le risque d'addiction des joueurs et de blanchiment d'argent.
Organiser des paris payants est interdit en France. Il n'existe pas de bookmaker légal excepté pour les paris sportifs et hippiques, à savoir:
Organiser des parties de poker avec de l'argent réel est interdit en France, sauf:
Proposer des loteries payantes est interdit sauf pour la FDJ sur et hors internet.
Les « loteries » payantes sur internet sont toujours le monopole de la Française Des Jeux (FDJ). Seule la FDJ peut légalement proposer, notamment des jeux de tirage et de grattage en ligne du fait de son statut légal très particulier. Les modifications législatives de 2010 et 2019 n’ont pas libéralisé les loteries qui restent interdites sur internet hors FDJ. Il existe toutefois plusieurs exceptions légales à l’interdiction des loteries (voir partie 2).
Proposer des jeux de casinos (machines à sous, roulette …) :
La réglementation française apparaît conforme avec les prescriptions du droit de l'Union européenne telles que précisées par la Cour de Justice et, en particulier par sa décision du 30 juin 2011 (CJUE, 8e ch., 30 juin 2011, aff. C-212/08, Zeturf Ltd). Les monopoles du PMU et de la FDJ sont conformes au droit européen pour le Conseil d'État (CE, 12 juillet 2023 n°436864, CE, 9 déc. 2016, n° 385934, CE, 10 juill. 2013, n° 357359). La position dominante de ces opérateurs oblige néanmoins à prendre certaines précautions dans leurs rapports avec leurs concurrents et leurs sous-traitants. (Avis n° 11-A-02 du 20 janvier 2011 relatif au secteur des jeux d’argent et de hasard en ligne). Toutefois la preuve d'un comportement abusif est loin d'être aisée ( Décision n° 17-D-17 du 27 sept. 2017 relative à des pratiques mises en œuvre par la FDJ dans le secteur des jeux de grattage.) Enfin, la privatisation de la FDJ suscite d'importantes interrogations. En effet, la rémunération des droits exclusifs octroyés apparaît, à ce stade pour la Commission européenne, comme constituant une aide d’État incompatible avec le marché intérieur. (Aides d’État — France — Aides d’État SA.56399 et SA.56634 (2021/C) (ex 2020/FC)).
Les jeux d’argent et de hasard, en tant qu’activité économique, sont soumis à l’article 49 concernant la liberté d’établissement et à l’article 56 concernant la liberté de prestation de services du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Ainsi, toute mesure nationale, qu'elle soit d'origine législative ou administrative, qui gêne ou rend moins attrayant l'accès à l'activité en cause constitue une entrave en droit européen. Les justifications à ces entraves invoquées par les États membres en matière de libre établissement et de libre prestation des services ne sont admissibles que si elles respectent plusieurs conditions, à savoir : 1/ l’existence d’une raison impérieuse d’intérêt général justifiant la restriction, 2/ l’absence de caractère discriminatoire de la restriction vis-à-vis des autres opérateurs de jeux d’argent, 3/ Le respect du principe de cohérence de la politique de développement des jeux d’argent menée par l’État, 4/ le respect du principe de proportionnalité des mesures par rapport aux objectifs recherchés. Ces exigences génèrent de multiples recours devant la CJUE (voir par exemple, CJUE, 8 septembre 2009, Liga Portuguesa C‑42/07 ; CJUE, 28 févr. 2018 Sporting Odds C-3/17 ; CJUE, 2 mars 2023, Recreatieprojecten Zeeland BV C-695-2.)
Le fait de proposer au public un jeu d'argent interdit est lourdement sanctionné sur le plan pénal. La violation de cette interdiction est punie d’une peine d'emprisonnement qui peut aller jusqu’à trois ans et d’une amende pouvant s’élever à 90 000 euros, ainsi que de nombreuses peines complémentaires notamment pour les personnes morales (art. 56 et ss. Loi du 12 mai 2010 & L 324-1 et ss. CSI modifiés) sans compter l'éventuel délit de blanchiment du produit des jeux illégaux (art. 324-1 et ss. du Code pénal) et le blocage administratif du site illégal . Pour les opérateurs de jeux d'argent illégaux, aux sanctions pénales s'ajoutent les sanctions fiscales. La Cour de cassation a confirmé cette double condamnation (Cass. crim., 5 juin 2013 n°12-83.288), pour un prévenu coupable d'organisation de loterie prohibée (infraction de droit commun & pénalités fiscales : défaut de déclaration d'ouverture de maisons de jeux, défaut de comptabilité générale et de comptabilité annexe, défaut de déclaration de recettes et de paiement de l'impôt sur les spectacles ).
La publicité pour des jeux illicites est bien sûr interdite (art.57 Loi 12 mai 2010), y compris au travers de mécanismes d'affiliation, de parrainage, par la publication des cotes et rapports proposés par ces sites non autorisés, voir pour de simples moteurs de recherche (Italie : 100.000 euros d'amende pour Google pour publicité interdite pour un site illégal de casino; Le Monde : Jeux d’argent en ligne : sur Twitch, les jeunes spectateurs raffolent de vidéastes au business douteux).
Les communications commerciales pour des jeux légaux sont licites, mais les annonceurs doivent respecter de multiples contraintes quant aux supports, aux messages d'avertissement, aux publics qu'il est interdit de viser (mineurs, interdit de jeux) et aux contenus mêmes des messages publicitaires ( art. L. 320-11, L320-12, D320-2 à D320-8, D320-9 à D320-10, L324-5 CSI, art. 29 loi 2010), sous peine de sanctions pénales (Art L324-5, L324-8, L324-8-1 CSI). Toutefois, les opérateurs légaux sont pris dans une logique de surenchère publicitaire et de ciblage d'un public "fragile" face à laquelle l'ANJ a souhaité réagir : (Euro de football et paris sportifs : l’ANJ réunit les opérateurs et annonce un plan d’action énergique et structurant). L’ANJ a présenté ses lignes directrices et recommandations en matière de publicité pour les jeux d'argent de manière très détaillée (23/02/2022); pour une première application à Winamax pour une publicité jugée non conforme par l'ANJ (18/03/2022), voir. C.Bouchenard, G. Debiesse, L. Bonnel, Glorification du parieur : l'Autorité nationale des jeux siffle la fin de la partie, Légipresse 2022 p.305 ). Les publicités pour les jeux d'argent dans les médias audiovisuels et les plateformes sont encadrées par une nouvelle délibération de l'ARCOM du 19 octobre 2022 (JO 6 novembre 2022). Les influenceurs devraient aussi être soumis à l'obligation d'afficher en continu le message d'avertissement légal (voir le dossier sur le projet de loi concernant les influenceurs art. 2 B III). En 2023, l’ANJ et l’ARPP ont renforcé leur coopération par l'intermédiaire d'une convention de partenariat visant à clarifier leurs rôles respectifs.
Concernant plus spécifiquement les influenceurs sur internet, il leur est désormais interdit toute activité promotionnelle en faveur de services d'abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs (LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023 art. 4 VI). Par contre, les influenceurs peuvent toujours communiquer au sujet des opérateurs légaux de jeux d'argent, mais dans des conditions restrictives, uniquement sur des plateformes avec un mécanisme d'exclusion des mineurs activé, avec la mention d'interdiction aux moins de dix-huit ans, et avec des mentions spécifiques dans les contrats de promotion (LOI n° 2023-451 du 9 juin 2023 art. 4 VII). De plus, le fait de vendre des pronostics hippiques, hors les médias et la presse hippique est interdit (art. 4 loi 2 juin 1891). Ajoutons que proposer des services permettant le jeu d'argent à crédit et les publicités pour de tels services sont aussi interdits.
Il faut cependant exclure les sports traditionnels de cette interdiction des jeux d'argent. En effet, sous certaines conditions, l'organisateur d'une manifestation sportive peut remettre un prix au gagnant et exiger une dépense financière à l'inscription (voir par exemple art. L331-5 Code du sport). La question est alors de différencier "sport" et "jeu". Ainsi, un sport est notamment caractérisé par une composante physique non négligeable (CJUE, 26 octobre 2017 C-90/16 pour le droit fiscal). Il reste que pour les jeux physiques, la distinction entre "sport" et "jeu" est loin d'être évidente (Sur les définitions de la notion de sport en droit, voir par exemple F. Buy, JM Marmayou, D. Poracchia, F. Rizzo, Droit du sport, LGDJ n°2 et suiv.).
C'est l'organisateur au sens large du terme qui sera poursuivi, même si celui-ci tente de s'abriter derrière une activité de simple prestataire de services. En effet le prestataire de services est le véritable organisateur du jeu dès lors qu'il alloue l'ensemble des moyens utiles aux jeux dans le cadre d'une activité commerciale (Cour de cassation 17 février 2016 n°14-87709).Toutefois cette infraction implique la preuve de la conscience et la volonté d’organiser une loterie prohibée de la part de l'organisateur ... (CA Poitiers, 5 oct. 2006, n° 06/00146 : JurisData n° 2006-321848).
Les réseaux sociaux, les prestataires de services de paiement (PSP) et les stores d'applications ont mis en place des règles sur les jeux d'argent, par exemple pour Facebook (ici), ou pour Google (ici). Les opérateurs de jeux peuvent avoir à fournir leurs licences ou agréments ou un avis d'un avocat sur la légalité de leurs offres, lorsqu'une licence de jeu n'est pas possible (exemple de la procédure pour Facebook).
En principe, dès lors que le simple joueur ou parieur ne participe en aucune façon à l’organisation d’un jeu illégal, il ne peut être condamné pénalement. Cependant dans certaines hypothèses, le joueur peut éventuellement devenir "complice", "recéleur" ou participe à des opérations de blanchiment et risquer des poursuites.
Les mineurs sont interdits de participation aux jeux d'argent autorisés par la loi, même dans des versions gratuites, sauf pour les loteries publicitaires (voir 2.1), les jeux dans les fêtes foraines, les lotos traditionnels, les loteries caritatives (voir 2.2) et les compétitions de jeux vidéo ( voir 2.3) (art. L 320-7 & L320-8 al.2 CSI). (sur cette question voir : le cadre de référence pour la prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs de l'ANJ.
La prise de jeu doit être faite par le joueur lui-même. Les tiers (association de joueurs au loto, clubs de parieurs, société intermédiaire, pronostiqueurs, etc.) ne peuvent pas prendre part aux jeux d'argent et de hasard pour le compte des joueurs par exemple en proposant des services de "copy betting". Il est interdit pour les personnes morales d'effectuer des prises de jeu au nom et pour le compte des personnes physiques (art. L 320-16 CSI ). Il existait avant cette loi nouvelle, un certain flou sur la question pour les associations qui agissaient sans but lucratif. Ce n'est plus le cas.
Précisons d'ailleurs qu'il est interdit de vendre ou d'exploiter des jeux de la FDJ sans son autorisation (art. L322-12 CSI nouveau). Certaines associations revendaient les jeux de la FDJ à leurs membres.
Sur la fiscalité des gains des joueurs, il faut distinguer la situation des joueurs professionnels de bridges et de poker des autres joueurs :
Sur la fiscalité des opérateurs de jeux légaux en ligne, on pourra consulter le CGI, (Chapitre XX : Prélèvements sur les jeux et paris).
En 2019, le Gouvernement a modifié la législation sur les jeux d’argent et de hasard par l’Ordonnance n° 2019-1015 du 2 octobre 2019 (ci-après l’ordonnance). La réforme de 2019 a porté principalement sur :
Pour aller plus loin sur cette réforme, voir notre blog (point 30)
La définition d’un "jeu d’argent et de hasard" prohibé reste très large.
Selon le nouvel article L 320-1 CSI, est interdit :
"Toutes opérations offertes au public, sous quelque dénomination que ce soit, pour faire naître l’espérance d’un gain qui serait dû, même partiellement, au hasard et pour lesquelles un sacrifice financier est exigé par l’opérateur de la part des participants".
Ce nouvel article L320-1 CSI sur les jeux d’argent et de hasard reprend le périmètre habituel des loteries interdites dans la législation abrogée. L'article 1 de la loi de 2010 renvoie maintenant à cette définition du CSI.
Sur le fond, les anciennes dispositions sur les loteries étant devenues officiellement le droit « commun » des jeux d’argent et de hasard, il faut très probablement raisonner de la même façon sur la base de la jurisprudence ancienne sur les loteries. Par contre, les subtiles distinctions entre "loterie" et "jeux de hasard" n'ont plus lieu d'être dans le cadre de la nouvelle législation.
Quelles sont alors les conditions d'application de cette interdiction ?
Le délit constitué de trois éléments matériels qui doivent être réunis cumulativement. S’il manque un seul de ces éléments, le jeu devient licite. L'élément moral du délit semble lui assez peu contraignant ...
Nous analyserons successivement chacun de ces 3 critères :
La présence du hasard était une 4e condition nécessaire avant 2014 pour interdire un jeu d'argent. Mais ce n'est plus, en principe, un élément permettant de distinguer les pratiques légales et illégales depuis 2014. Il suffit que le hasard joue un rôle même minime pour que la pratique relève de la prohibition des jeux d'argent et de hasard ( voir 1.2.4 ci-dessous).
Le fait d'associer la loterie à un objectif publicitaire visant les consommateurs renvoie au régime spécifique du Code de la consommation (voir ci-dessous le point 2.1).
Le fait d'associer la loterie à un objectif caritatif renvoie au régime spécifique de l'article L322-3 CSI (voir ci-dessous le point 2.2 sur ce régime obligatoire).
Un contrat de sponsoring (prise en charge du buy in, des frais...) entre un joueur de poker et une société pour participer à des tournois de poker n'est pas une "loterie" ou un jeu d'argent et de hasard. Ce contrat n'est pas contraire à l'ordre public français et doit être exécuté (CA Paris 16 Septembre 2021 – n° 18/09730).
L'espoir de gagner de l’argent, un lot, ou un service ayant une valeur monétaire suffit à caractériser cette condition.
Il faut d'abord que le gain espéré soit soumis à un minimum d'aléa. C'est dans cette espérance d'enrichissement créé par l'aléa que réside le caractère addictif de ce type de jeux. Au contraire, si le gain est absolument certain dans sa valeur, il ne s'agit plus d'un jeu de hasard, mais de l'achat d'un bien ou d'un service avec une valeur connue par le joueur.
Il faut ensuite que ce "gain" puisse être évalué et converti en argent. Par exemple, espérer rencontrer une célébrité est probablement un gain ayant une valeur monétaire. En effet, de nombreuses stars proposent ce type de service de manière payante accessoirement aux concerts.
Si le joueur ne gagne rien et paye pour jouer, cette condition n'est pas remplie et le jeu est légal.
Que décider pour les jeux payants proposant aux gagnants des parties gratuites, des points virtuels, une monnaie de jeux, de nouveaux pouvoirs pour les personnages, un meilleur classement associé à un aléa ?
* Le cas des "loot boxes" :
Il s'agit de "pochettes surprises" ou "coffre à butin" contenant des bonus aléatoires pour les joueurs, par exemple du temps de jeux supplémentaire. Ces bonus aléatoires payants offrent des avantages concrets sur les autres joueurs. ( habits, couleurs pour customiser son avatar ou ses armes ou "skins", monnaies virtuelles intra-jeu ...) (Voir LOOT BOX : LAS VEGAS PARANO Par Caroline )
La qualification de jeu d'argent et de hasard au sens de l'article L320-1 CSI est donc tout à fait envisageable pour les loot boxes si on y associe l'espoir de gain "en nature":
La combinaison de 3 éléments ci-dessous rend le jeu illégal, à savoir :
1) des paiements des joueurs dans le cours du jeu pour obtenir les Loot Boxes ;
2) un gain aléatoire qui revient à introduire un mécanisme aléatoire dans un jeu vidéo. On voit au passage qu'il est difficile de se passer du critère du hasard pour interdire un jeu... malgré l'évolution récente de la législation.
3) la possibilité de revendre en monnaie réelle les gains remportés sur le site de jeu.
Il est clair que l'association des points 1, 2 et 3 ci-dessus, sur le même site, rend ce type de jeu illégal. Mais il existe plusieurs situations moins tranchées qui laissent la discussion ouverte. La position de l'ARJEL n'était pas trop répressive dans son rapport pour 2017 2018 (p.7), mais laissait la place à certaines questions et à une analyse au cas par cas ... (Voir à ce sujet, M. Pernet - Lootboxes » dans les jeux vidéo : où en est leur régulation en France ? le Monde Pixels)
Souvent la monétisation des récompenses ne se fait pas sur le site de jeux, mais sur un site tiers sur lequel le joueur vend sa récompense contre de l'argent réel. Cela pose la question de la complicité du site de jeux dans ce système et pousse à une analyse globale de l'écosystème du jeu notamment sur la différence entre monnaie de jeu et monnaie virtuelle.
* À noter que la législation française interdit très largement les jeux "en dur" avec des avantages aléatoires autres que monétaires.
Ainsi concernant les "appareils" de jeux qui reposent sur le hasard, l'article L 324-4 al. 1 CSI interdit même tout avantage, même de "simples parties gratuites", au-delà du gain ayant un équivalent financier.
Il n'existe, à notre connaissance, aucune décision de justice française sur cette question de l'interdiction de tout avantage aléatoire, autre que directement ou indirectement monétaire, suite à une dépense du joueur pour les jeux en ligne.
L'offre de jeu doit être publique pour être illégale.
En pratique, si le site de jeu est accessible au public, le jeu d'argent est illégal.
Seules des parties entre amis proches dans un cadre purement privé sont légales.
Le fait de ne proposer le jeu qu’à un groupe limité de personnes sur la base d'un abonnement, d'une inscription préalable, ou dans le cadre d'un "cercle privé" avec parrainage n’est pas susceptible de transformer l’opération en une offre « à titre privé ». C'est donc interdit.
Organiser des parties de poker à son domicile n'est pas suffisant. L'ensemble de l'organisation du jeu doit avoir lieu entre des amis proches (Cass, crim, 27 juin 2018, n° 17-83.216)
Attendu que, pour caractériser la libre admission du public, au domicile de M. A... chez lequel étaient organisées, une à deux fois par semaine, des parties de jeux de hasard réunissant, outre un croupier, environ neuf joueurs par séance, l'arrêt énonce notamment, par motifs propres et adoptés, que celui-ci a déclaré que, s'il avait des relations avec certains joueurs, il ne les connaissait pas tous, qu'il ressort des auditions recueillies qu'ils n'étaient pas liés entre eux par des liens d'amitié, mais par le seul goût de la pratique du poker et leurs capacités financières à miser de très fortes sommes d'argent (...) ;
Le fait de proposer l'organisation de partie dite "privée" de jeux d'argent sans agrément sur une plateforme électronique nous paraît dangereux. En effet, d'une part aucune garantie n'est offerte sur le lien d'amitié entre les participants en ligne et d'autre part, les tribunaux sanctionnent souvent le véritable bénéficiaire économique du jeu, à savoir ici le responsable de la plateforme.
À noter que dans le domaine des jeux de hasard, la tenue illicite d'une maison de jeux peut être probablement établie indépendamment des critères d'habitude et de pérennité selon la Cour de cassation. Dans une affaire récente, une association et quatre sociétés avaient organisé un tournoi mobile de poker. Elles étaient poursuivies à raison de l'étape parisienne de cette manifestation en 2009. Il s'agissait de savoir si l'habitude était un élément constitutif de l'infraction puisqu'un seul tournoi faisait l'objet de poursuites. La Cour de cassation estime qu'il suffit d'une manifestation pour que le délit soit constitué (Cass. crim., 17 déc. 2014, n° 13-86.617).
Un jeu d’argent gratuit pour le participant est en principe légal sauf s’il est proposé à un mineur (Art. L. 320-8 CSI nouveau). Concernant les mineurs, sauf exception, il est dorénavant interdit de proposer un jeu gratuit associé à un gain.
1/ Le sacrifice financier du joueur réside dans son paiement et dans l'obligation d’achat de crédits pour participer au jeu ou pour continuer à y participer (Cass. civile, com., 20 janvier 2015, n°13-28.521). Le jeu n’est donc pas gratuit, ce qui constitue un élément menant à son interdiction. La notion de "sacrifice financier" est plus large que celle de "mise". Il n'est pas nécessaire que le joueur puisse perdre sa mise, mais seulement qu'il fasse une dépense monétaire pour participer au jeu.
Le sacrifice financier peut recouvrir différentes formes : l'achat d'un bulletin de participation, l'achat de NFT (Blockchain game), l'achat d'un ticket de tombola, des frais d'envoi de la réponse, l'achat préalable d'un produit pour jouer, l'achat de crédit de jeux, un abonnement préalable à un site, etc.
Il est donc interdit de vendre son bien meuble ou immeuble (appartement, maison...) par l'intermédiaire d'une loterie payante.
Les jeux du type " play to earn" relèvent de la catégorie des jeux d'argent et de hasard, s'ils associent une dépense financière et un espoir de gain, par exemple des "tokens", des cryptomonnaies. La seule manière d'échapper à la prohibition des jeux d'argent est de se conformer clairement au régime juridique des prestataires de services sur actifs numériques (PSAN) et tenter d'obtenir un agrément de l'AMF. En effet, sur le fond, il est difficile de distinguer les jeux de hasard de certains produits financiers spéculatifs. Une manière de régler cette difficulté est de se conformer aux exigences du Code monétaire et financier. Il faut identifier le régime et l'agrément AMF adapté pour exercer cette activité par "autorisation de la loi". À défaut, les interdictions du Code de la sécurité intérieure sont susceptibles de s'appliquer ...
2/ Concernant les sommes payées par le joueur, les tribunaux se sont montrés particulièrement stricts. Les tribunaux considèrent la participation financière du joueur (c.-à-d. une mise et/ou frais de participation au jeu et/ou des frais de communication surtaxés) comme essentielle, peu importe le montant de la participation. Une mise de quelques centimes, une microtransaction sont suffisantes pour interdire le jeu.
3/ De plus, il n’est pas nécessaire que le joueur perde globalement de l’argent. Il suffit qu’il doive participer financièrement pour jouer, même s’il gagne globalement dans le processus du jeu. Par exemple, on a estimé que les soirées « casino fictif » étaient légales à deux conditions : - 1/ Les invités ne supportent aucun sacrifice financier pour participer au jeu. - 2: Les lots gagnés ne sont pas rejouables (Rép. min. n° 41142 du 5 déc. 1983 (JOANQ 5 mars 1984, p. 1035.). A contrario, si le lot ayant une valeur financière (NFT...) est misé dans une nouvelle partie, il y a une perte de la part du joueur, ce qui constitue un sacrifice financier, même si globalement il n’a subi aucune perte dans son patrimoine tel qu’il existait en début de soirée.
Le débat est relancé sur cette question de la définition du sacrifice financier concernant Sorare. Ce dernier fait valoir que les cartes achetées par les joueurs, une fois jouées, n'étaient jamais perdues. Cet opérateur conteste toute notion de « mise », ce qui peut se comprendre, puisqu'il n'y a pas véritablement de somme jouée et placée avec un risque de perte, comme pour un pari classique. Par contre, il semble difficile d'exclure la notion de « sacrifice financier », conformément à la compréhension traditionnelle de cette dernière notion, à savoir l'existence d'une simple dépense, stricto sensu, dans le processus de jeu analysé globalement. Cette notion est habituellement interprétée de la manière la plus large par les juges et l'administration. Mais cette interprétation trop stricte mettant en jeu le modèle économique de Sorare, l'ANJ a choisi la flexibilité en permettant, d'une part d'adapter le cadre juridique existant et d'autre part, de permettre à cet opérateur de modifier ses pratiques. Il est par ailleurs prévu de modifier la législation existante de manière plus souple par rapport à celle applicable aux opérateurs de jeux agréés par l'ANJ. ( Voir notre actualité sur le nouveau cadre juridique des JONUM )
4/ Le fait de demander un paiement ou une "avance", mais de proposer un remboursement ultérieurement des frais de jeu ne rend plus le jeu légal (Article L 320-1 alinéa 3 CSI), sauf le cas particulier des jeux à la TV, dans la presse et à la radio. (Voir ci-dessous 2.4 pour ces jeux spécifiques).
5/ À l'heure actuelle, il est donc envisageable de financer le jeu d'argent et de hasard gratuit par la publicité, souvent en collectant des données personnelles du consommateur, sous réserve de la législation en la matière (RGPD...). Attention, le débat n'est pas clos sur cette thématique, car on peut "payer" avec ses données personnelles selon certains. Selon l'ANJ ( Rapport d'activité 2017-2018 page 8) :
" La question se pose aujourd’hui du dépassement de cette notion de sacrifice financier, dépassement qui, eu égard aux termes généraux de la loi, pourraient d’ailleurs ne pas appeler d’interventions du législateur. C’est ainsi que pourrait être discutée l’assimilation à un sacrifice financier du traitement consenti par un joueur sur ses données personnelles. Le droit accepté par le joueur au traitement de ses données pourrait constituer la contrepartie, le prix en quelque sorte, qu’il accepte de payer à l’opérateur, qui est ainsi rémunéré, pour l’obtention du gain. Le propos revient à aborder la délicate et actuelle question de la patrimonialisation des données personnelles."
6/ Le fait d'associer un canal gratuit à un canal payant est risqué. Il s'agit du cas des jeux d'argent et de hasard à "double entrée". En pratique, le même site propose un accès payant et un accès gratuit aux jeux avec une possibilité de gain. Dans ce cas, l'ANJ examine si le joueur est incité à payer pour améliorer ses chances de gain.
Si le paiement optionnel du joueur a une quelconque influence sur le gain espéré (fréquence des parties, gain de jeu ...), même si par ailleurs il existe un moyen de jouer gratuitement, le jeu est interdit. Il est donc très rare en pratique de voir des loteries de ce type qui satisfassent cette condition. Comment assurer la rentabilité du jeu alors que son accès gratuit est identique à son accès payant ?
Cour de cassation, Chambre criminelle, 28 septembre 2016, 15-82.587 :
Attendu qu'en l'état de ces énonciations, d'où il résulte que le fonctionnement des appareils litigieux incitait le joueur, dans la perspective d'un accès aux jeux présenté comme gratuit, à effectuer un versement d'argent constitutif d'un enjeu, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables et a fixé le montant de la pénalité proportionnelle en se fondant sur celui des droits éludés calculé à partir des recettes qu'elle a constatées, a justifié sa décision ;
Ainsi la Cour d'appel de Paris, dans une décision du 23 mai 2018 (RG n° 17/20353), interdit un tournoi de poker "en dur" avec des qualifications en ligne du fait de son caractère payant dans certaines circonstances (Extrait CA Paris, 23-05-2018, n° 17/20353). Cette Décision a été confirmée par la Cour de cassation le 29 janvier 2020 pour l'affaire en référé ( voir aussi dans la même affaire sur le fond, Cass. crim., 19 avr. 2023, n° 22-81.706 Droit pénal n° 7-8 du 2023, 122, note Robert)
Extrait de la décision du 29 janvier 2020 : (...) il ressort que, si des tickets d'entrée et de participation au tournoi pouvaient être obtenus gratuitement, ceux-ci devaient être complétés par des points de fidélités obtenus en pratiquant des jeux d'argent soit en salle, soit sur le site, lesquels nécessitaient des mises financières réelles de la part des joueurs (...).
La décision Francky Surf apporte un complément d'information à ce sujet (extrait décision de la Cour de cassation 14 mai 2014) :
" (...) que le tribunal a également retenu que l'accès au jeu se faisait nécessairement moyennant enjeu que ce soit selon le canal dit « payant gratuit » qui ne permettait l'accès au jeu qu'après paiement d'un service d'accès à internet, ou par le canal dit « gratuit-gratuit » lequel était statistiquement très peu utilisé par rapport au canal « payant gratuit » et surtout quasi impossible de fait à utiliser et enfin inconnu de la part des exploitants qui ne connaissaient que l'accès « payant » ; (...) qu'ainsi que le tribunal l'a bien relevé, l'accès purement gratuit était en fait quasiment illusoire et en réalité le jeu n'était utilement accessible qu'après paiement de l'accès à un autre service payant ; qu'il s'ensuit que même si comme le soutient avec force M. Gilles X...l'introduction de monnaie dans l'appareil ne permettait pas à lui seul l'accès direct à un jeu, mais obligeait à un achat préalable d'un autre service, cette précaution ne suffit pas à rendre entièrement gratuit l'accès au jeu ;"
7/ La confusion entre le jeu publicitaire et un service distinct payant ne protège pas l'organisateur. Par exemple, le fait que des dépenses pour jouer permettent également d'acheter du temps de connexion à internet a suffi pour faire condamner l'organisateur du jeu (Sur les bornes Visionex, Cass. 28 mai 2014, N°13-83759; CA Paris, 16 avril 2013, RG 11/02854) :
" (...) il résulte que ces appareils ne s'apparentaient pas à une loterie commerciale et que leur fonctionnement incitait le joueur, dans la perspective d'un accès aux jeux présenté comme gratuit, à effectuer un versement d'argent constitutif d'un enjeu, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous ses éléments, notamment intentionnel, le délit dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;
Il faut veiller à bien distinguer le jeu gratuit et la voie d'accès payant pour un achat distinct du jeu.
Au contraire des jurisprudences Visionex et Francky surf, le tribunal correctionnel de Clermont-Ferrand le 17 juin 2019 a reconnu la licéité d'une borne de jeux dont les caractéristiques étaient proches des cas précédents cités ci-dessus.
Avant 2014, pour interdire un jeu, il suffisait que le hasard ait une influence même minime dans la détermination du gagnant et/ou du gain. A contrario, les purs jeux d'adresse physique ou intellectuelle, les jeux de connaissance, de culture générale (Quizz...), de sagacité et de rapidité que l'on appelait aussi jeux-concours n'étaient pas interdits. Il se posait alors de subtiles questions sur l'existence ou non du hasard ou d'un aléa dans un jeu pour l'interdire.
Depuis 2014 et suite à certains abus sur les jeux d'adresse payants avec un espoir de gain, le nouvel article L 320-1 alinéa 3 CSI interdit les jeux basés sur le savoir-faire (skill games). Cette condition liée à la preuve de la présence du hasard dans le jeu n'est plus exigée en pratique pour prononcer son interdiction. Il existait déjà une disposition spécifique visant à interdire les appareils de jeux basés sur l'adresse (L324-4 al.3 CSI).
Toutefois, la mention du hasard continue de figurer dans le CSI et dans certaines décisions récentes (par exemple C. cass. 29 janvier 2020, 18-22 137) . La condition liée « à l’espoir d'un gain » implique probablement l'existence d'un aléa dans l'attribution du gain, même minime.
À défaut d'aléa dans le résultat attendu, il s'agit d'un simple achat de la part du joueur. Ainsi la loi n'interdit que les opérations où la voie du sort est la condition de l'acquisition d'un gain et non celles où, le gain étant déjà contractuellement déterminé, le sort n'intervient que pour fixer la date de son attribution » (Cass. crim., 13 oct. 1993, no 91-83.703, Bull. crim., no 293, D. 1993, I.R., p. 251 ; Cass. 1re civ., 2 févr. 1994, no 89-16.311, Bull. civ. I, no 38).
Mais cet argument ne permet pas de valider des jeux d'adresse payants avec espoir de gain. Avant le début du jeu, les participants ne savent pas avec certitude qui va gagner, même dans les "skill games". Dès lors, il existe bien une certaine forme de hasard pour ces jeux dits d'adresse.
Actualité : voir notre article sur les JONUM et le nouveau cadre légal de ces jeux.
Le pouvoir de régulation du marché des jeux d'argent est principalement confié à l'ANJ qui remplace l’ARJEL. Son périmètre est élargi aux opérateurs titulaires de droits exclusifs (FDJ, PMU…), mais seulement partiellement aux casinos. Les questions de la lutte contre le blanchiment et de l’intégrité de l’offre des jeux relèvent encore du ministère de l'Intérieur pour les casinos.
La Loi du 12 mai 2010 autorise les paris sportifs et hippiques et certains jeux de cercle (uniquement le poker) sur Internet à la condition que l’opérateur de jeux obtienne un agrément de l’ANJ (Autorité Nationale des Jeux). C'est donc une exception légale au principe général d'interdiction des jeux d'argent pour les paris sportifs et hippiques et le poker.
La loi de 2010 sur l'ouverture à la concurrence des jeux en ligne et surtout ses décrets d'application viennent encadrer de manière très précise ces jeux légaux en ligne (voir les textes fondateurs sur le site de l'ANJ).
Une ordonnance de 2019 définit et précise les modalités d'exercice du pouvoir de contrôle et de police administrative de l'État sur l'ensemble du secteur des jeux d'argent et de hasard.
En pratique, l'agrément suppose de coûteux investissements du fait des exigences de la loi française. Les contraintes réglementaires sont fortes pour les opérateurs agréés. De plus, un système de taxes rend le marché français uniquement accessible aux opérateurs de jeux privés les plus importants (pour prendre connaissance des documents et de la procédure sur le site de l'ANJ).
En plus du droit spécial des jeux d'argent, l'opérateur de jeux se doit de respecter le droit commun des contrats issu du Code civil (par exemple, Cass. 1re civ., 8 avr. 2021, n° 19-20.644), ainsi que le droit de la consommation dans sa relation avec les joueurs, ce dernier point ayant été validé par le Conseil d'Etat (CE 24 Mars 2021 n° 431786).
Sauf lorsque le Code de la consommation l'exclut spécialement, par exemple pour les contrats à distance et le droit de rétractation ( Art. L221-2 al. 3 C. Cons..), le droit de la consommation s'applique aux contrats de jeux d'argent avec les opérateurs agréés.
Les CGU, CGV et règlement de jeux étant des contrats d'adhésion, la législation sur les clauses abusives est pleinement applicable.
Une première difficulté est de distinguer le joueur professionnel du joueur amateur, même particulièrement actif et informé. Un joueur même très régulier et misant des sommes importantes reste un consommateur ( CJUE, 10 déc. 2020, Personal Exchange International Limited ). Il devient professionnel s'il propose des « prestations de services » à des tiers contre une rémunération (pt 48). Le « joueur professionnel » est donc celui rémunéré par un club, une fédération, un sponsor, un "investisseur" ou un employeur. Un "chasseur de cotes" qui réinvestit de l'argent de tiers dans son activité de jeux d'argent n'est donc probablement plus un consommateur.
Les CGV et autres règlements de jeux des principaux opérateurs ne sont pas toujours irréprochables.
Les difficultés principales portent sur :
Le rapport du médiateur de l'ANJ fournit une bonne information concernant les types de réclamation des joueurs (voir p. 32 rapport 2022)
1/Ainsi, Bwin n'a pas pu bénéficier du régime protecteur de son règlement pour refuser le paiement de gain et clôturer un compte joueur. Les dispositions du règlement concernant les erreurs de côte, notamment en cas de paris tardifs et "relatifs" n'ont pas été opposables au joueur. Le tribunal a reconnu le caractère potestatif de certaines clauses du règlement, l’erreur inexcusable de l’organisateur pour l'acceptation des paris, ainsi que le faux motif justifiant la fermeture du compte joueur. Le joueur bénéficie en plus du régime protecteur du droit de la consommation en tant que "consommateur". TGI Paris, 18 décembre 2018, M. X. / Société B.E.S.
2/Un opérateur de paris sportifs ne peut pas annuler des paris lorsqu'il a commis une erreur manifeste en fixant la cote de ces paris, et ce même si le contrat conclu par l'opérateur prévoit une telle faculté à son profit ( CA Versailles, 31 oct. 2019, n° 18/04644 Com. Com. élec. n° 11, Nov. 2020, chron. 11 spe. n°5 com. D. Poracchia). Il appartient à l'opérateur de paris sportifs de supporter les risques liés à sa mauvaise évaluation de l'aléa sportif sur lequel il propose de parier (dans le même sens, Cour d'appel de Paris 12 octobre 2023 n° 20/07961).
3/Toutefois une erreur grossière commise par l'opérateur de jeux dans l'annonce d'un gain de jeu ne peut être créatrice de droits au profit du joueur. (CA Bastia, 23 Octobre 2019 – n° 17/00990). Il s'agit d'une erreur "obstacle".
4/Dans le même sens, l'engagement contractuel de l'opérateur de jeux ne porte que sur le déroulement sécurisé de la partie dans son système informatique et non sur les affichages sur les écrans des ordinateurs des joueurs en ligne. La convention de preuve qui fait prévaloir les enregistrements informatiques de l'opérateur en cas de désaccords, ne s'analyse pas comme une disposition abusive dès lors que le joueur conserve la faculté d'utiliser tous moyens de preuve pour démontrer que lesdits enregistrements ont fait l'objet d'un dysfonctionnement au sein du système informatique de l’opérateur. (CA Versailles 23 janvier 2020 n° 18/06970 Dalloz.fr).
5/ L'intervention de l’opérateur de jeux pour limiter les mises d’un joueur est justifiée et aucune faute ne peut lui être reprochée. Les règles du code de la consommation sont applicables. Aucun refus de vente ne peut être au sens de l'article L122-1 du code de la consommation ni comportement discriminatoire, ce dernier ne rapportant pas la preuve que dans une situation identique, un autre joueur n'aurait pas été limité dans ses mises. Sur le manquement aux obligations de transparence, il résulte que le parieur est informé de la cote, que le montant maximum des mises qu'il peut engager est indiqué sur le coupon du pari avant qu'il joue, lorsque le parieur clique sur maximum, et qu'il ne pouvait ignorer qu'en dépassant ce montant, il ne pourrait pas valider son pari. Dès lors l’opérateur a satisfait à son obligation de transparence et d'information (article L113-3 alinéa 1 du code de la consommation dans sa rédaction antérieure au 10 février 2016). Le droit de plafonner les mises répond aux obligations légales et réglementaires qui pèsent sur tout opérateur agréé et n'est pas destinée à désavantager les joueurs, le plafonnement des mises étant susceptible de léser l'opérateur comme le joueur. L’article du règlement prévoyant un tel plafond ne peut être considéré comme constituant une clause abusive. L'information concernant les limitations de ses mises a été fournie au joueur, avant la validation du pari et donc la conclusion du contrat définitif, par l'affichage d'une alerte le prévenant du dépassement de sa limite de mise, de sorte qu'il ne peut être allégué d'une pratique commerciale trompeuse. (Cour d'appel, Paris, Pôle 4, chambre 10, 13 Janvier 2022 – n° 19/02139 JurisData : 2022-013448 )
6/ Les clauses en cause du règlement de paris sportifs de Winamax qui procèdent du seul respect du cadre normatif imposé aux entreprises de paris en ligne et participent à la préservation de l'ordre public comme à la protection des consommateurs ne sont pas abusives. L'opérateur de jeux doit s'assurer de l'utilisation et de l'approvisionnement personnels du compte utilisateur par son seul titulaire. Il peut refuser de verser les gains en cas de jeu collectif. (TJ, 4ème Chambre, Section 2, Paris, Jugement du 4 juillet 2024, Répertoire général nº 21/11867).
7/ Si la mise en cause de l'opérateur est envisageable, il sera très difficile au parieur d'engager la responsabilité du club de sport ou du sportif en cas de mauvais résultat ou de faute sportive, sauf à prouver un véritable "trucage" du match (Cass. civ. 14 juin 2018).
Depuis juin 2019, la médiation est ouverte à tout joueur ou parieur qui se trouve en litige avec un opérateur agréé par l’ANJ à propos de l’exécution d’un contrat de jeu ou de pari. Elle est gratuite mais ne présente aucun caractère obligatoire pour l'opérateur. Cette procédure est soumise à la confidentialité.
Pour plus d’informations sur le médiateur de l'ANJ:
- https://mediateurdesjeuxenligne.fr
- Rapport d'activité du médiateur des jeux 2020.pdf
- Rapport d'activité du médiateur des jeux 2021 (avril 2022)
Sur le cadre légal des offres de jeux, pour aller plus loin
La lutte contre les sites illégaux est principalement confiée à l’ANJ mais on remarque aussi une activité de la DGCCRF sur le sujet.
Avant avril 2022, les sites illicites faisaient l'objet de mesures de blocages par les tribunaux judiciaires ( Voir par exemple - TGI Paris 26 septembre 2016 sur le blocage et les astreintes). Mais devant la lenteur, la faible efficacité et les coûts de cette procédure judiciaire, il est maintenant prévu une procédure administrative de blocage selon l'article 61 de la loi de 2010. (voir actualité 33 - vers un blocage administratif des sites de jeux illicites par les FAI et les moteurs de recherche ).
L'ANJ publie dorénavant une liste noire des sites bloqués.
En décembre 2023, l’ANJ à publie une étude détaillée pour mesurer l’offre illégale disponible en France et mieux connaître les pratiques de consommation (pour consulter cette étude).
À notre connaissance, seules quelques sociétés étrangères ont été poursuivies pénalement depuis 2010 pour des sites de jeux en ligne, avec des condamnations allant jusqu'à 300 000 € d'amende délictuelle. À noter que les décisions dans ce domaine font rarement l'objet d'une publication sur Légifrance.
Souvent l'organisateur du jeu cherche à baser son activité dans un pays plus "accueillant" légalement et fiscalement. Mais cela ne permet pas d'éviter le risque de poursuite pénale des autorités françaises. En effet, il suffit que les jeux d'argent étrangers soient simplement accessibles aux joueurs français, sans agrément, pour être illégaux, (voir déjà Cass. Chambre criminelle, 22 Mai 1997 N° 94-85.933).
Peu importe le fait qu'une licence de jeu ait été attribuée à l'étranger par un État (par exemple Malte), et même dans l'Union européenne : il n'existe pas d'autorisation accordée par un État et dépassant ses propres frontières en Europe. Depuis l'arrêt Santa Casa ( CJUE, 8 sept. 2009, aff. C-42/07) on sait qu'en l'absence de législation et d'harmonisation européenne spécifique dans le secteur des jeux d'argent, la reconnaissance réciproque des licences (ou l'éventuel régime de liberté de certains jeux) dans un pays de l'U.E. ne s'impose pas aux autres États membres.
Toutefois, malgré le renforcement de la coopération pénale pour l’exécution des décisions de justice en Europe, la décision française risque d'être privée d'effet concret. En effet, si l'activité de l'opérateur de jeux est basée et pleinement légale dans le pays d'exécution de la décision répressive du fait d'un agrément ou d'une licence, il y a peu de chance que ledit état d'exécution accepte de sanctionner l'opérateur de jeux...
Bien sûr la décision pénale française reste pleinement applicable sur le territoire français et le retour des bénéfices financiers sur le sol français relèvera du blanchiment.
A noter que des mesures complémentaires concernant le blocage des flux financiers liés aux jeux sont possibles. Il semble que cette mesure soit difficile à mettre en œuvre d'après le rapport de l'ARJEL 2013 (p.40)
Pour aller plus loin, on peut consulter le rapport de l'IGF : Évolution de la régulation du secteur des jeux d’argent et de hasard en lien avec le projet d’ouverture du capital de La Française des jeux à des investisseurs privés http://www.igf.finances.gouv.fr/files/live/sites/igf/files/contributed/IGF%20internet/2.RapportsPublics/2018/2018-M-045-03.pdf
Le nouvel article L320-6 CSI dresse une liste des jeux d’argent légaux en France qui bénéficient d’exceptions à la prohibition. Ces jeux peuvent donc associer paiement et espoir de gain sous certaines conditions.
La loi de 2019 n'a pas changé le périmètre des jeux légaux qui existaient antérieurement, à savoir :
Nous analyserons ci-dessous les jeux d’argent et de hasard hors casinos, jeux de la FDJ, paris sportifs & hippiques, poker qui appellent des développements très spécifiques. Ces secteurs sont en effet soumis à agrément, à autorisation ou à un droit exclusif de la part de l’État ou de l’ANJ. (pour aller plus loin sur la réglementation des jeux soumis à l'agrément de l'ANJ)
Les jeux d'argent et de hasard du type "loterie publicitaire" ou "jeu-concours" sont massivement utilisés afin de promouvoir les produits et services des entreprises. On parle de "gamification du marketing".
L’article L 320-6 7° nouveau du CSI déroge à la prohibition générale des jeux d’argent. Il permet l’organisation d’opérations publicitaires conformes à l'article L. 121-20 du code de la consommation. Ainsi le droit de la consommation fait exception au droit des jeux d'argent.
Pour appliquer cette exception, il faut être en présence d'un tirage au sort dans une relation entre un consommateur et un professionnel.
La loterie publicitaire peut être gratuite, mais dès lors qu'il s'agit d'attirer une clientèle, la pratique a bien une finalité commerciale et relève du Code de la consommation (Cass. crim., 20 nov. 2012, n° 11-89 090).
Le principal intérêt de cette exception est de pouvoir prévoir une obligation d’achat du produit ou du service dont il est fait la promotion pour participer au jeu avec un espoir de gain. Au contraire, dans le cadre du droit commun de l’article L 320-1 CSI, l'accès au jeu doit être gratuit pour être légal. Cette exception étant directement issue d’une directive européenne, elle a aussi l’avantage d’être applicable dans l’ensemble de l’Union européenne, à la différence du droit des jeux d’argent qui reste national et non harmonisé.
Il faut souligner une simplification de la réglementation : la loi du 20 décembre 2014 relative à la simplification de la vie des entreprises a ainsi allégé le dispositif en faisant disparaître de multiples contraintes qui existaient précédemment dans le Code de la consommation.
Sont ainsi supprimés :
Les jeux d'argent publicitaires sont légaux selon le nouvel L 121-20 C. Cons. (ancien 121-36 C. Cons.) s'ils ne sont pas déloyaux, sans autre condition.
La législation s'est assouplie ces dernières années. En effet, depuis 2011, il est possible de réserver la loterie publicitaire à ses seuls clients, et donc de proposer des loteries "avec obligation d'achat" (voir déjà CJUE 14 jan 2010 C-304/08).
Par exemple, la possibilité de participer à un jeu concours doté d’un prix ne constitue pas une pratique commerciale déloyale du seul fait que cette possibilité de participer à un jeu représente le motif déterminant qui les a incités à acheter un journal proposant le jeu à ses seuls clients (CJUE, 9 novembre 2010, aff. C-540-08).
Auparavant, l'organisateur du jeu promotionnel était obligé d'ouvrir la loterie à toute personne intéressée par le jeu.
En pratique, de nombreux jeux publicitaires donnent des chances de gain supplémentaires lorsque le consommateur dépense plus afin de récompenser sa fidélité, par exemple dans le cadre des loteries dans les supermarchés. A notre connaissance, cette variante n'est pas interdite. Toutefois il convient de bien distinguer paiement du produit et du service et gratuité de l'accès au jeu promotionnel comme nous allons le voir ci-dessous.
Le principe de gratuité (voir point 1.4.3 ci-dessus) implique que le jeu d'argent ne comprenne aucune dépense de la part du joueur.
Il n'est pas possible de proposer des "tickets" payants à la loterie publicitaire, ni des SMS surtaxés pour y participer.
Par exception, les éventuels frais de participation à la loterie publicitaire (frais d'affranchissement, frais de communication ou de connexion non surtaxés) restent souvent à la charge du participant et ne sont pas obligatoirement remboursables, ce qu'il faudra préciser dans le règlement de jeu (voir mémento pratique Lefebvre concurrence consommation 2021 n° 44030 - voir ci-dessous 2.1.3 c) sur la question de la gratuité). Attention toutefois à ne pas lier ces frais à l'annonce d'un gain comme nous le verrons ci-dessous. En effet, il est interdit de demander au joueur une participation financière en contrepartie de l'obtention de son gain et ce, même si la participation financière est minime (par exemple, timbre-poste, SMS ou appel surtaxé) (C. cons. art. L 121-7, 7).
Sous cette réserve, le paiement du joueur doit porter uniquement sur le produit ou le service dont il est fait promotion (par exemple des hamburgers, etc. ), mais non sur l'accès au jeu publicitaire qui doit rester totalement "gratuit" :
Cour d'appel de Paris 14 février 2020 n° 17/20830 (extrait)
"la perception des bons d'achats Gifi remportés est soumise à un montant d'achats minimum dans les magasins de l'enseigne, ne constitue pas une pratique commerciale trompeuse dès lors que le consommateur ne doit engager aucun frais préalable conditionnant sa participation à la loterie, qui rendrait le jeu Bravoloto payant.
La circonstance que la perception de gains sous forme de bons d'achats ou de réduction soit subordonnée à la réalisation d'achats pour des montants pouvant excéder celui du gain remporté ne rend pas payant le jeu Bravoloto, le bénéficiaire du lot n'ayant engagé préalablement aucune contribution financière et demeurant libre de procéder, ou non, aux achats nécessaires au bénéfice du bon. "
Une première difficulté provient du caractère faussement publicitaire de la loterie. Il arrive que derrière une opération publicitaire se cache "frauduleusement" un véritable jeu d'argent. Pour être en présence d'un véritable jeu publicitaire, il faut que l'organisateur de l'opération vende de vrais produits et services distincts du jeu publicitaire, ce que le juge vérifiera concrètement. La dépense du consommateur doit viser les produits et services et non le jeu d'argent. Lorsque l'existence du produit ou du service à promouvoir est discutable, le juge interdira la pratique (voir déjà l'affaire Visionex Cass. 28 mai 2014, N°13-83759).
Une seconde difficulté survient lorsque le service à promouvoir est lui-même un jeu d'argent. Lorsque les juges français identifient un jeu d'argent dans une pratique commerciale, ils font primer l'interdiction des jeux d'argent et rejettent l'exception relative aux jeux publicitaires, par exemple en cas d'association d'une loterie publicitaire et de points de fidélités par WINAMAX ( C. cass. 29 janvier 2020, 18-22 137 confirme CA Paris, 23-05-2018, n° 17/20353; TGI de PARIS (5e ch. 23 juin 2015 RG 14/03674 ).
Dans ces décisions, les juges identifient les conditions mises à l'interdiction des jeux d'argent à savoir 1/ l'existence d'un paiement pour jouer sur le site légal de poker en ligne et 2/ l'espoir d'un gain lors du tournoi en salle. Selon la Cour de cassation, la législation française sur les jeux d'argent prime sur l'encadrement des pratiques commerciales, notamment le cadre européen existant.
Concrètement pour organiser des tournois "en dur", un joueur doit pouvoir accéder à des tournois qualificatifs gratuits (freerolls), sans avoir chargé son compte avec de l'argent réel et sans avoir obtenu ces tickets après une expérience payante de jeu, même sur un site agréé ANJ.
Passé cette première étape relative à la qualification d'opération publicitaire basée sur un jeu d'argent, pour interdire cette dernière, il conviendra de prouver son caractère "déloyal".
Le Code de la consommation procède en deux temps pour identifier ces pratiques interdites (cf. art. 121-1; L.121-2 à L.121-4, L.121-6 et L.121-7 nouvelles numérotation). Les sanctions sont prévues aux articles L 132-1 A et suivant du Code de la consommation. En tant que partie civile, l'indemnisation du consommateur se heurte à de sérieuses difficultés probatoires (Cass., crim., 22 Novembre 2022 – n° 21-86.010). Il est alors préférable de se placer sur le terrain des quasi-contrats (voir ci-dessous 2.1.4)
- 1. Le Code pose une définition abstraite des pratiques interdites à charge pour le juge d’identifier celles-ci et de motiver sa décision.
Le caractère "déloyal" d'une pratique commerciale est défini comme étant contraire aux exigences de la diligence professionnelle. Il faut que la pratique commerciale soit de nature à altérer de manière substantielle le comportement économique du consommateur.
Avant de sanctionner, les juges doivent rechercher en quoi la pratique est de nature à perturber le consommateur dans ses choix économiques. (voir par exemple Cass. com., 29 sept. 2015, n° 14-13.472).
- 2. Le Code fixe concrètement une liste de pratiques interdites, car trompeuses ou "réputées" trompeuses et agressives :
Dans le domaine des jeux, nous identifions principalement les pratiques suivantes qui sont interdites en toutes circonstances. Dans cette liste, le juge répressif n'a pas à caractériser une altération du comportement économique du consommateur.
a. Un paiement contre un gain de jeu promis : une loterie agressive
Selon l'article L 121-7 (7°) du Code de la consommation sont réputées agressives les pratiques commerciales qui donnent l'impression que le consommateur a ou va gagner un prix, mais qu'il doit payer au préalable pour toucher ce prix, même si ce coût est négligeable (un timbre par exemple), même s'il existe des moyens gratuits parallèlement au moyen payant d'avoir accès au prix ou à l'information, même si ce paiement ne profite pas à l'organisateur du jeu, mais à un tiers. (CJUE, 18 octobre 2012 C-428/11 - Purely Creative e.a.).
Selon le Guide européen sur la Directive relative aux pratiques commerciales déloyales, il s'agit du cas où les consommateurs sont informés qu’ils ont gagné un prix mais doivent appeler un numéro surtaxé pour le demander. Il s'agit aussi du cas où les consommateurs sont d’abord informés qu’ils ont gagné un prix mais apprennent ensuite qu’ils doivent commander un autre bien ou service pour recevoir le prix annoncé ou l’avantage équivalent.
Voici deux exemples de pratiques interdites :
Dans la communication publicitaire, il convient d’être vigilant concernant les coûts induits pour le consommateur pour bénéficier des lots.
b. Un gain annoncé et non délivré : une loterie trompeuse
Selon l'article L 121-4 (18°) du Code de la consommation, sont réputés trompeurs les jeux publicitaires qui affirment qu'un concours est organisé ou qu'un prix peut être gagné sans attribuer les prix décrits ou un équivalent raisonnable (Cass. crim., 10 sept. 2019, n° 18-85315).
Un exemple de pratique interdite repose sur l'utilisation de numéros surtaxés. Tous les participants reçoivent un message "gagnant" aux jeux-concours proposés notamment sur les réseaux sociaux sous de fausses identités. Mais pour finaliser l’envoi de leurs gains promis, ils doivent appeler de multiples fois un serveur vocal surtaxé, qui leur délivrera des codes, mais très rarement le prix annoncé....
Une loterie présentant comme certain un évènement hypothétique sera notamment sanctionnée sur ce fondement (Cass. Crim. 22 novembre 2022, n°21-86.010 )
c. Une fausse gratuité annoncée : une loterie trompeuse
Selon l'article 121-4 (19°) du Code de la consommation, il est interdit de décrire un produit ou un service comme étant "gratuit", "à titre gracieux", "sans frais" ou autres termes similaires si le consommateur doit payer quoi que ce soit d'autre que les coûts inévitables liés à la réponse à la pratique commerciale et au fait de prendre possession ou livraison de l'article.
Selon cet article, un jeu publicitaire gratuit ne doit donc pas obligatoirement proposer le remboursement des frais de participation non surtaxés.
d. Vendre une martingale : une pratique trompeuse
Il est interdit d'affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard (art. L 121-4 (15°) C. Cons).
On pense par exemple à la vente d'une méthode pour gagner au loto ou à la roulette.
L'infraction est constituée à partir du moment où il est affirmé que le système (site web, méthode de calcul...) augmente les chances de gagner par rapport à un joueur n'y ayant pas recours, quelle que soit la réalité tant de l'efficacité des calculs présidant à la diffusion du système (par exemple des grilles de calculs) que de la preuve de l'accroissement des chances de gagner. Le juge répressif n'a pas à caractériser une altération du comportement économique du consommateur pour sanctionner (Cass. crim. 28 janv. 202019-80.496 ).
En définitive, la seule véritable condition que le ministère public devra établir est que la pratique commerciale poursuivie est visée par ce texte, à savoir "affirmer d'un produit ou d'un service qu'il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard" et la défense ne peut donc que chercher à démontrer que tel n’est pas le cas.
Dans le domaine des paris sportifs, une question actuellement débattue est de savoir si cet article peut permettre d'interdire les ventes de pronostics sportifs, conseils et analyses. La thèse répressive, qui n'est pour l'instant pas validée par les tribunaux, est de retenir que la vente, voir le simple conseil, de pronostics est implicitement, mais nécessairement une affirmation que ce service "augmente les chances de gagner aux jeux de hasard". La thèse "libérale" consiste à soutenir qu'il faut identifier expressément une affirmation que le service augmente les chances de gain pour entrer en condamnation, par exemple par une affirmation du type "empochez de gros gains grâce à mes pronostics". Il semble que la DGCCRF (actualité 2/02/2023) recherche des affirmations trompeuses et mensongères spécifiques chez les pronostiqueurs, mais elle n'estime pas que le conseil en lui-même soit illégal. À noter que dans le domaine des paris hippiques, cette activité de vente de conseil est interdite sauf dans la presse et les médias hippiques. (art. 4 Loi du 2 juin 1891 ayant pour objet de réglementer l'autorisation et le fonctionnement des courses de chevaux ).
Certains sites de pronostiqueurs payants pourraient aussi relever de l'escroquerie (art. 313-1 Code pénal) ou d'un système de promotion pyramidale interdit (voir e. - ci-dessous).
e. Le jeu publicitaire ne doit pas présenter les caractéristiques d'un système de promotion pyramidale ou vente à la boule de neige.
L’annexe I de directive 2005/29/CE « Pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances », prévoit, à son point 14 qu'il est interdit de :
« Créer, exploiter ou promouvoir un système de promotion pyramidale dans lequel un consommateur verse une participation en échange de la possibilité de percevoir une contrepartie provenant essentiellement de l’entrée d’autres consommateurs dans le système plutôt que de la vente ou de la consommation de produits. »
Cette interdiction est reprise à l'article L. 121-15 du Code de la consommation (vente à la boule de neige, offre d'adhésion à une chaine & système pyramidal) et les sanctions figurent aux articles L 132-19 et 20 du même Code.
Dans cette affaire (CJUE, 15 déc. 2016 C 667-15) les organisateurs du système "Lucky 4 All" ont mis en place un système de participation collective aux tirages de Lotto. (Voir le blog post.21).
La Cour fixe 3 conditions pour interdire un tel montage :
1/ tout d’abord, il est fondé sur la promesse que le consommateur aura la possibilité de réaliser un bénéfice économique (lot, somme d'argent, service...). Cette interdiction est applicable au cas où il n’existe qu’un lien indirect entre les participations versées par de nouveaux adhérents à un tel système et les contreparties perçues par les adhérents en place selon une décision de la CJUE du 15 décembre 2016 (C-667-15).
2/ Ensuite, la réalisation de cette promesse dépend de l’entrée d’autres consommateurs dans le système. Dans la décision « Lucky 4 All », des groupes de joueurs prennent la forme d’une pyramide à plusieurs niveaux. La Cour constate que la répartition des gains au sein d’un niveau favorise les niveaux supérieurs. En conséquence, tout joueur a intérêt à recruter de nouveaux joueurs afin d’améliorer sa position.
3/ Enfin, la majorité des revenus permettant de financer la contrepartie promise aux consommateurs ne résulte pas d’une activité économique réelle, mais de la participation des consommateurs (CJUE 3 avril 2014, 4finance, C‑515/12, point 20). Le système devient "artificiel" car l'enrichissement principal résulte essentiellement des nouvelles adhésions plutôt que des ventes.
En pratique, la plupart des contentieux devant les tribunaux portent sur l'information du client et l'aléa du gain.
La présentation de la loterie publicitaire doit très clairement faire figurer l’aléa des gains sur toutes les communications relatives à la loterie et cela à chaque fois que le gain est annoncé, sur tous les documents publicitaires. Une mention dans le règlement de jeu ne suffit pas.
La mention d'un aléa affectant la remise du gain n'apparaît pour la première fois qu'au dos de la seconde page du document annexé à la lettre ayant annoncé et félicité l'intéressée pour son gain n'est pas suffisante (Cour d'appel Colmar civ. RG 15/05768).
En effet, un joueur ne doit jamais avoir l’impression qu’il gagne à chaque participation, si ce n’est pas le cas. Dans ce cas, les tribunaux français exigent un paiement de la somme promise au joueur à titre de sanction sur le terrain du quasi-contrat (cf. par exemple Cass., civ. 1, du 13 juin 2006, 05-18469; Cass., civ.1, 25 janvier 2017, 15-26281).
Il s'agit de règles d'origine légale et déontologique que l'organisateur du jeu respectera dans son règlement dont voici le détail :
Pour aller plus loin : Code ICC consolidé sur les pratiques de publicité et de communication commerciale, spécialement p.23 article A6.
Le règlement de jeu est soumis à la réglementation des clauses abusives (CA Paris 19.12.2003 n°02 4822) .
Les clauses suivantes ont été considérées comme abusives et ne devraient pas figurer dans un règlement de jeu :
Les jeux d’argent dans les fêtes foraines, les loteries et tombolas caritatives et les lotos traditionnels sont légaux sous réserve de se conformer aux différentes conditions posées par la loi française (Articles L322-3 à L322-6). Il s'agit :
1°) Des jeux d'argent et de hasard (loteries) et appareils de jeux dans les fêtes foraines proposés par des forains (art. 322-5 & 6 CSI). Il n'y a pas d'autorisation administrative à solliciter. Mais les lots ne peuvent être qu'en nature et d'une valeur maximum de 45 €. La mise unitaire ne doit pas dépasser 1,5 € (art. D 322-4 CSI). La carte de commerçant ambulant (forain) est une obligation.
2°) Des jeux d'argent et de hasard (loteries et tombolas) d'objets mobiliers exclusivement destinés à des causes scientifiques, sociales, familiales, humanitaires, philanthropiques, éducatives, sportives ou culturelles ou à la protection animale ou à la défense de l'environnement (art. L 322-3 CSI nouveau), sous réserve d'une autorisation préalable, sous la forme d'un arrêté du maire (et de la préfecture de Police à Paris) ou d'une déclaration pour les associations les associations et fondations reconnues d'utilité publique . Il convient de respecter plusieurs conditions relatives notamment à la nature juridique de l'organisateur, à l'affectation des sommes recueillies, au montant du capital d'émission et de la valeur cumulée des tickets émis, aux modalités de publicité auprès du public … ( art. D 322-1 CSI et suiv.).
3°) Des lotos traditionnels autorisés par l'article L. 322-4 du CSI, également appelés poules au gibier, rifles, bingo ou quines. Il n'y a pas d'autorisation administrative à solliciter, mais il faut respecter plusieurs règles.
Ces lotos associatifs ne doivent pas avoir un but commercial. Ils sont destinés à financer des causes scientifiques, sociales, familiales, humanitaires, philanthropiques, éducatives, sportives ou culturelles ou en vue de la protection animale ou de la défense de l'environnement. Ils sont proposés dans un cercle restreint de personnes liées à l'association (donc l'internet semble exclu).Ils se caractérisent par des mises de faible valeur, inférieures à 20 euros. Les lots ne peuvent, en aucun cas, consister en sommes d'argent ni être remboursés. Ils peuvent néanmoins consister dans la remise de bons d'achat non remboursables.
Ces lotos doivent avoir un caractère occasionnel. Au contraire l'organisation de lotos de manière systématique auprès d'un large public, par exemple sur internet ou dans des salles affectées à cette activité, sera considérée comme illégale, car ayant un objectif commercial.
Attention, il faut bien identifier l'organisateur véritable de l'opération qui n'est pas forcément l'association. L'organisation et la fourniture "clef en main", même en tant que prestataire de services, de lotos dans un but commercial par une société est donc exclue, même si par ailleurs des associations y participent (Cour de cassation, 23 novembre 2016, 15-85.987)
On lira par exemple l'arrêt de la Cour de cassation du 7 décembre 2016, n°15-83826 :
"Attendu que, pour déclarer le M. X..., gérant de la société (...), coupable d'organisation de loteries prohibées et d'infractions à la législation sur les contributions indirectes relatives aux maisons de jeux, l'arrêt retient qu'il choisissait les lots, les achetait et les livrait, fournissait le matériel nécessaire au déroulement du loto, vendait des supports annexes (pions, bâtons magnétiques...) ou des jeux à son seul bénéfice, des offres au public par diffusion publicitaire, soit par voie de presse au moyen de maquettes élaborées par ses soins ou par annonce à l'occasion d'un loto pour les manifestations suivantes, permettant ainsi l'apparition d'une clientèle captive, et effectuait sa prestation d'animation en contrepartie d'une rémunération dans un contexte professionnalisé et commercial ; que la cour d'appel en conclut qu'il n'était pas qu'un animateur, mais qu'il se comportait comme un organisateur des lotos et que cette activité était soumise à des obligations fiscales ;"
Divers exonérations fiscales sont susceptibles de bénéficier à l’Organisateur dans un cadre associatif, notamment selon l’article 261-7°-1°-c du Code général des impôts. Pour plus de détail, vous pouvez consulter :https://www.service-public.fr/associations/vosdroits/F21565
Pour aller plus loin sur les loteries caritatives et les lotos traditionnels :
La Loi pour une République numérique a créé une nouvelle exception relative aux compétitions de jeux vidéo (Articles L321-8 à L321-11 & R321-40 et suiv. CSI).
Une compétition de jeux vidéo confronte, à partir d'un jeu vidéo, au moins deux joueurs ou équipes de joueurs pour un score ou une victoire. La définition du jeu vidéo renvoie à l'article 220 terdecies II du CGI :
"II.-Est considéré comme un jeu vidéo tout logiciel de loisir mis à la disposition du public sur un support physique ou en ligne intégrant des éléments de création artistique et technologique, proposant à un ou plusieurs utilisateurs une série d'interactions s'appuyant sur une trame scénarisée ou des situations simulées et se traduisant sous forme d'images animées, sonorisées ou non."
Ainsi le Jeu-Vidéo suppose :
Il faut exclure les sports traditionnels de cette de définition du eSport. Un sport traditionnel est caractérisé par une composante physique non négligeable (CJUE, 26 octobre 2017 C-90/16). Le eSport, en principe, ne contient pas cette composante physique, mais uniquement une composante ludique. Il reste que pour certains jeux physiques avec une composante digitale, la distinction entre "sport traditionnel" et "eSport" est loin d'être évidente.
Les paris payants sur les compétitions de jeux vidéo ne sont pas couverts par la loi nouvelle.
Ainsi l'article L 321-8 précise :
"L'organisation de la compétition de jeux vidéo au sens du présent chapitre n'inclut pas l'organisation d'une prise de paris".
Dès lors, la légalité d'un pari sur le eSport renvoie au droit commun et à la prohibition des jeux d'argent payants. Cette interdiction concerne donc les paris par des tiers sur le jeu lui-même.
Mais la question est plus ouverte concernant les gains des joueurs eux-mêmes. Selon l'ARJEL (Rapport d'activité 2018 p.78 note 68), au sens strict, en droit civil notamment, les notions de joueurs et de parieurs sont distinctes: le joueur participe au jeu tandis que le parieur est extérieur à l’événement sur lequel porte le pari.
Toutefois, la dépense légale du joueur est précisément encadrée par le nouveau texte (voir point ci-dessous sur R 321-50 CSI). Dès lors, une mise du joueur sur sa propre victoire nous paraît aussi illégale dans la plupart des cas si elle est associée à un espoir de gain.
La loi distingue entre le eSport en ligne et hors ligne :
1/ Pour le hors-ligne, l'interdiction des jeux d'argent ne concerne pas les compétitions de jeux vidéo à plusieurs conditions (art. L. 321-9 CSI):
2/ Une seconde exception concerne aussi les jeux en ligne hors la présence physique des joueurs.
Pour les compétitions de jeux vidéo se déroulant en ligne et pour les phases qualificatives se déroulant en ligne des compétitions de jeux vidéo, les frais d'accès à internet et surtout le coût d'acquisition du jeu (par exemple la licence) ne constitue pas un "sacrifice financier" menant à l'interdiction du jeu en ligne (art. L 321-11 CSI).
En effet, l'article R 321-50 CSI précise que ce coût comprend le coût d'achat initial du jeu, le coût d'achat de ses contenus additionnels et le coût d'abonnement au jeu.
Cela signifie que l'achat du jeu n'est pas assimilable à une "mise" interdite. Il est donc possible dans ce cas de faire gagner de l'argent au joueur suite à une dépense de jeu.
Les cash prizes se trouvent ainsi écartés du champ de l'interdiction si la dépense du joueur est relative au coût d'achat initial du jeu, au coût d'achat de ses contenus additionnels et au coût d'abonnement.
Or l’éditeur du jeu peut lui-même organiser la compétition ou être économiquement lié à l’organisateur de la compétition. L’éditeur pourrait alors facturer les licences de son jeu à un tarif élevé en contrepartie de la possibilité de participer à des compétitions disposant de gains significatifs. On contournerait ici l'interdiction de principe des jeux d'argent.
Le rapport d'étape sur le eSport (p.14) avait identifié ce risque en s'en remettant à l'appréciation du juge et au mécanisme particulièrement peu prévisible de l'abus de droit. Encore une fois, la limite entre le licite et l'illicite n'est pas précise. Ce sera un nouveau risque à prendre pour l'éditeur de jeux souhaitant se lancer dans l'organisation de compétition en ligne.
Remarque : La loi prévoit enfin les conditions de participation du mineur, ainsi que des dispositions relatives au statut professionnel du joueur. (Décret n° 2017-872 du 9 mai 2017 relatif au statut des joueurs professionnels salariés de jeux vidéo compétitifs).
Les trois premiers agréments pour l'emploi de joueurs professionnels de e-sport aux sociétés GamersOrigin, LDLC Event et Olympique lyonnais ont été délivrés en 2018.
Avant 2014, une loterie payante était considérée comme légale si l’organisateur offrait une possibilité de remboursement des frais de jeu à son participant pendant un certain délai. En assimilant "gratuité" et "offre de remboursement", il manquait un élément nécessaire au délit de loterie prohibée. Cette solution était admise par certains tribunaux.
La loi sur la consommation de 2014 a interdit, en principe, cette solution de la remboursabilité de la mise. En effet, le sacrifice financier est établi dans les cas où l'organisateur exige une avance financière de la part des participants, même si un remboursement ultérieur est rendu possible par le règlement du jeu (art.L 320-1 CSI). C'est donc le principe même du remboursement des frais de jeux qui est interdit sauf exception.
Depuis 2014, cette faculté de recourir au remboursement est réservée aux jeux d'argent à la télévision, à la radio, et dans les publications de presse selon l'article L 322-7 CSI.
Cet article donne quatre informations sur le périmètre de cette exception au bénéfice des médias :
La loi du 1er août 2006 portant réforme juridique de la presse définit la notion de publication de presse dans les termes suivants :
“tout service utilisant un mode écrit de diffusion de la pensée mis à la disposition du public en général ou de catégories de publics et paraissant à intervalles réguliers”.
Pour qu'une publication soit qualifiée de publication de presse, on estime qu'elle doit satisfaire 3 critères :
1. Une périodicité dans la publication, par exemple la diffusion sous forme de numéros;
2. Un caractère non exclusivement publicitaire;
3. Un contenu rédactionnel : par exemple de l'information, le traitement d'un sujet d'intérêt général, voire un contenu de divertissement.
Au regard de ces critères, une publication de presse par internet est possible: l'offre de jeux payants remboursables sur internet reste donc envisageable sous certaines réserves.
Les modalités d'organisation des jeux et concours des publications de presse sont précisées aux articles D 322-5 à D 322-8 CSI.
Le modèle économique de ce type de jeux est basé sur le fait que pour de petites sommes d'argent, il y a peu de demandes de remboursement de la part des joueurs.
Pour aller plus loin sur ce sujet : voir la réponse ministérielle du 20 juillet 2021
Remarque : Ces mesures d'exception visent avant tout le soutien financier à des filières françaises en difficulté du fait de la baisse des revenus publicitaires.
Le principe de gratuité exige une offre de remboursement complète de tous les frais de jeux y compris les frais de communication (SMS surtaxé, Audiotel, frais spécifiques de connexion à internet etc.…). À défaut, en cas de remboursement incomplet, un tribunal risque d’identifier une participation financière définitive du joueur et donc un sacrifice financier, et donc un jeu payant et interdit.
Pourtant, la pratique et les règlements de jeu sur internet posent fréquemment des limites au montant remboursé au joueur.
Le risque est fort d’une qualification de «sacrifice financier» illégal de cette dépense résiduelle de jeu. La seule pratique qui paraît devoir être admise est celle qui consiste à prévoir un remboursement « forfaitaire » limité, mais sous réserve de la preuve par le joueur de dépenses supplémentaires [TGI Paris, 16e ch.,17 déc. 2003, n° 0226904589]. Dans ce cas, soit le joueur touche son forfait prédéterminé, soit il fait la preuve de ses dépenses réelles de jeux…
À noter que les frais de port des cadeaux et autres lots n’ont pas obligatoirement à faire l’objet d’un remboursement [CA Paris, 9 mars 1995, Contrats, conc., consom., 1995, n°158]. Ce n’est pas une obligation légale.
Si le principe d’un remboursement peut rendre le jeu légal, il convient néanmoins de lui donner toute sa portée. Cette offre de remboursement doit tout d’abord ne pas être trop complexe concernant la procédure à suivre.
Les délais ne doivent pas être trop courts (3 mois semblent une durée satisfaisante – 2 mois est un minimum puis qu’il est nécessaire dans certains cas d’obtenir des factures des opérateurs de téléphonie). Mais la loi française ne pose aucun délai.
L'information sur le remboursement doit ensuite être mise à la connaissance préalable de chacun des joueurs lors de la participation aux jeux. Si l’information sur le remboursement possible est uniquement placée dans le règlement de jeux, un juge risque d’estimer que cette faculté de remboursement est « factice » et donc frauduleuse et de déclarer le jeu illégal.
Il ne faut pas que l’information sur le remboursement soit placée « au fond » d’un règlement difficilement accessible, ou pire encore une fois le jeu payé. Ainsi, la Cour d’appel de Paris en 2008 a estimé en ce sens, au sujet d’un jeu placé dans un magazine,« que toutefois la difficulté d’accès à cette information, voire la nécessité d’acquérir un magazine sous cellophane en le payant, ont ruiné le dispositif prévu ». Ainsi chaque publicité, communication commerciale, formulaire de paiement devrait porter une mention du type « Remboursement des frais de jeu ». (CA Paris, 21 janv. 2008, 13e ch., sect. A, n° 07/02319, Juris-Data n° 2008-354831 confirmé par Cass. crim., 3 juin 2009, n° 08/82941.)
Concernant les émissions de «télé-tirelire ou cash-tv», le CSA a prévu certaines règles et oblige les diffuseurs à faire figurer la possibilité de remboursement dans les mêmes conditions que les coordonnées du service SMS ou téléphonique. La télé-tirelire également appelée « call-tv » est un jeu télévisé dans lequel pour participer, les téléspectateurs doivent appeler un numéro de téléphone surtaxé ou envoyer un SMS également par le biais d’un numéro surtaxé.
En cas d’inscription à l’écran, cette possibilité de remboursement doit donc apparaître dans des caractères identiques à ceux du numéro du service.
Cette information doit également être portée à la connaissance du joueur lors de sa connexion au service surtaxé, préalablement à toute participation effective au jeu. (Délibération du CSA du 4 décembre 2007 relative aux incitations à utiliser des services SMS ou téléphoniques surtaxés remplaçant la recommandation du 5 mars 2002).
Une fois la question de la légalité de l'opération en droit des jeux réglée, des questions plus opérationnelles se poseront, par exemple :
1/ La rédaction des Conditions Générales d’Utilisation ou de Vente (CGU ou CGV) du site et/ou la rédaction du règlement de jeu par application du droit civil et du droit de la consommation ;
2/ Les mentions légales obligatoires du site internet ou de l'application (identification de l'éditeur) ;
3 / Le respect de la loi informatique et libertés et la rédaction d'une charte vie privée : à ce sujet, la CNIL estime qu'" il ne faut pas conditionner la participation à un jeu-concours, l’obtention de chances supplémentaires et, de manière générale, la fourniture d’un service, à la réception de messages publicitaires". Le consentement donné dans l'hypothèse où le jeu publicitaire est associé obligatoirement à une publicité visionnée par l'internaute serait vicié, non spécifique et non pleinement éclairé. C’est pour cela que la CNIL exige un double consentement distinct sur la publicité reçue et sur le jeu publicitaire (Code des postes et des communications électroniques - Article L34-5);
4/ La réglementation sur le blanchiment d’argent (articles L.561-36 et L.561-36-2 du CMF); Voir par exemple l'article sur le site Mediapart.fr (2.10.2022) : "Blanchiment d’argent : le site Winamax se brûle au jeu. Une enquête judiciaire montre que la plateforme de paris en ligne a violé plusieurs de ses obligations légales en matière de lutte contre le blanchiment d’argent. L’entreprise n’a pas fait le moindre signalement à Tracfin pendant plus de sept ans". (extrait) (auteurs Y. Philippin et J. Letellier)
5/ La fiscalité des jeux;
6/ La propriété intellectuelle sur le jeu ainsi que le droit aux paris afin de pouvoir légalement proposer des paris sur des évènements sportifs.
7/ La mise en place et le respect des contrats avec les prestataires techniques intermédiaires. À ce sujet, il faut souligner les pratiques plus restrictives que la loi française de GOOGLE en la matière, ce qui l'autorise à supprimer l'application de jeu d'argent, notamment face au PMU.
Pascal Reynaud © 2023
Avocat au barreau de Strasbourg
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