Si vous avez des questions, vous pouvez me contacter directement par mail : reynaud.avocat@gmail.com
1. Quelle documentation juridique à mettre en place pour le vendeur sur son site web ou son application ?
Il s'agit tout d'abord des documents juridiques d'information à destination de l'acheteur. Celui-ci peut être un professionnel ou un consommateur (BtoC /BtoB).
On trouve le plus souvent :
Si les grandes sociétés accordent une attention particulière à ces documents juridiques, c'est moins fréquent pour les petites structures.
2. Un statut légal pour les professionnels
Le vendeur doit tout d'abord créer le cadre juridique de son activité s'il agit en tant que "professionnel".
Le fait de tirer des revenus habituels d'une activité sur internet implique d'avoir un statut légal, par exemple il est possible d'opter pour l'entreprise individuelle (dont la microentreprise), ou pour une société (EURL, SASU...). Ce choix nécessite une étude approfondie de la situation du vendeur. Il conviendra de respecter les obligations comptables, fiscales et sociales qui vont avec son statut (TVA, charges sociales, règles professionnelles ...). Pour aller plus loin : accédez au simulateur de Bpifrance Création.
Selon la CJUE, le professionnel est celui dont l'activité consiste en une activité régulière de « vente de biens » ou de « prestation de services » proposée par la personne physique à des tiers contre une rémunération (CJUE 10 déc. 2020 C-774/19 Personal Exchange International pt 48).
Ainsi, le fait de générer un revenu habituel de 220 € par mois suffit à faire du responsable du site "un commerçant" dont les litiges relèvent du tribunal de commerce.
La tenue d'un blog assurant la diffusion de publicités génératrices de revenus de manière habituelle confère la qualité de commerçant et oblige à s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés (RCS). (Pour aller plus loin, avis CCRCS n° 2019-001)
Sur les marketplaces se pose de manière récurrente la question de la qualification de consommateur (CtoC) ou de professionnel (BtoC) pour les différents protagonistes, notamment les vendeurs occasionnels.
3. Les obligations vis-à-vis des consommateurs (BtoC) :
Il s'agit de respecter le Code de la consommation et surtout les dispositions relatives à la vente de biens et la fourniture de services à distance (article L 221-1 et suiv. C. Cons.).
Une enquête de la DGCCRF (2.3.2018) vient pointer les différentes difficultés sur les sites de vente à distance.
À noter : les consommateurs peuvent contacter une plateforme en ligne de la DGCCRF pour signaler des anomalies liées au droit de la consommation : https://signal.conso.gouv.fr/.
Au préalable, S’il souhaite bénéficier de la réglementation des contrats conclus à distance, le consommateur acheteur doit prouver l’existence d’un système organisé à distance. (Cass. 1e civ. 31-8-2022 n° 21-13.080 F-B). (C. cons. art. L 221-1, 1°). La Cour de cassation exclut ainsi du champ d’application du droit de la vente à distance les professionnels exerçant individuellement, hors d’un système organisé de vente ou de prestation de services. Cette notion de "système organisé" inclut les plateformes en ligne. Elle ne devrait pas couvrir les cas où des sites internet offrent uniquement des informations sur le professionnel, ses biens ou ses services ainsi que ses coordonnées (Dir. 2011/83 du 25-10-2011 considérant 20).
Du fait du grand nombre d'exigences à respecter, dans le cadre d'un site de e-commerce, il convient de structurer l'offre numérique en tenant compte des contraintes légales, le plus en amont possible du projet.
a/ Des informations obligatoires sont à fournir à l'acheteur, notamment grâce à des CGV. ( art. L.221-5, L. 111-1 et L. 111-2 C. Cons.).
Elles doivent être fournies ou mises à la disposition du consommateur par tout moyen adapté à la technique de communication à distance utilisée ( Art. L 221-11 C. Cons.). Ces informations précontractuelles peuvent éventuellement être fournies par un lien hypertexte (TA Versailles 22-11-2021 n° 2006365, Sté Nature & Découverte ; TA Bordeaux 23-11-2021 n° 1906171, Sté Cdiscount ).
Sur le fond, le consommateur doit avoir connaissance des principaux éléments liés au produit et au service à 4 niveaux :
- Par exemple, les CGV doivent mentionner les principales modalités de retrait du produit en magasin dans le cadre d'un service "click and collect" (adresse du magasin, documents à produire, conséquence d'un retard … ).
- Par exemple, l'affichage obligatoire ou facultatif d'un numéro de téléphone du professionnel a fait l'objet d'une décision en droit européen. Selon la Décision de la CJUE Amazon EU, aff. C-649/17 du 10 juillet 2019, une plateforme de commerce électronique n'est pas obligée de mettre un numéro de téléphone à la disposition du consommateur avant la conclusion d’un contrat. Mais elle est tenue de mettre à sa disposition un moyen de communication lui permettant de la contacter rapidement et de communiquer avec elle efficacement (email, chat. Téléphone...) Le numéro de téléphone est obligatoire en droit français qui n'est donc plus conforme au droit européen sur ce point (L111-1 4° C. cons. art. 19 LCEN).
Afin de respecter une obligation de lisibilité de ces informations, il peut être nécessaire d'adapter le volume des informations légales aux supports utilisés (art. L221-12 C.cons.). Tous ne présentent pas les mêmes capacités d'affichage (site internet, catalogue, mobile, tablette, spot TV, flyer, carte postale...) À cet égard, l'information légale obligatoire peut être objectivement limitée du fait du support utilisé. Par exemple, une offre sur une carte postale ne permet pas d'afficher lisiblement toutes les mentions légales. Dans un second temps, le professionnel doit fournir les informations importantes par une autre source (email, site internet ...), dans un langage clair et compréhensible. En revanche, les choix de communication effectués par le professionnel (design...) ne rentrent pas en ligne de compte pour justifier une limitation de l'information légale. Ce critère subjectif est rejeté (CJUE, 23 janv. 2019, aff. C-430/17, Walbusch Walter Busch).
Juste avant son obligation de paiement, les caractéristiques du produit, son prix, la durée du contrat, les restrictions de livraison, les moyens de paiement sont acceptés doivent être communiqués à nouveau au consommateur (C. cons. art. L 221-14) .
Dans un délai raisonnable, après la conclusion du contrat, ces informations doivent être communiquées sur "support durable" au consommateur. Ce support durable ne peut être un simple site internet ou un lien hypertexte (art. L221-11 C. Cons. et suiv. & point 51 de l’arrêt Content Services (C‑49/11, EU:C:2012:419; voir aussi CJUE, 24 févr. 2022, aff. C-536/20, Tiketa).
b/ Le consommateur doit avoir une information complète sur le prix à payer TTC (art. L 111-1 2°, L 112-1 C. Cons.), toutes taxes comprises (y compris la TVA applicable aux services en ligne) et frais de traitement inclus. Il ne doit pas y avoir de coût caché lors de l'annonce du prix, par exemple par le rajout en fin de processus de frais de gestion, de frais de livraison peu claire, de supplément selon le moyen de paiement utilisé (Juridiction de proximité Marseille, 9 décembre 2015), ou d'un paiement alors que le processus annoncé vise une simple réservation gratuite. Si le professionnel n’a pas informé le consommateur des frais supplémentaires au prix principal annoncé, le consommateur n’est pas tenu au paiement de ces frais (Art. L112-3, Art L221-6. C. Cons.) La Commission européenne a rendu publique en 2019 une analyse concrète des irrégularités de plus de 500 sites en Europe. La Commission constate que sur un tiers des sites, les offres "spéciales" ne sont probablement pas authentiques et/ou que la méthode de calcul du prix réduit est peu claire. (voir la fiche de la DGCCRF sur l'annonce du prix).
c) La documentation légale doit être notamment en français si l'on s'adresse au marché français. Elle doit aussi être lisible.
d) Le consentement et la signature du consommateur doivent aussi retenir l'attention du professionnel afin de sécuriser l'achat en ligne (art. 1119 C. civ & art. 1120 c. civ.).
Un consentement tacite du consommateur du simple fait de l'achat et mentionné dans les CGV ne sera pas efficace. Mieux vaut opter pour un consentement exprès et circonstancié, par exemple une case à cocher et l'accès aisé aux CGV en ligne avec un processus d'inscription en ligne.
Problème pratique : un consommateur conteste son acceptation et sa signature en ligne. Dans ce cas, le juge va vérifier si les moyens techniques utilisés permettent bien l’identification, la preuve de l'intégrité des échanges et le consentement du consommateur. (art. 287 Code proc. Civ.; art. 1366 & 1367 C.civ.)
Si ces conditions sont réunies, l’engagement du consommateur sera validé par le juge. (Cour de cassation, 6 avril 2016, n° 15-10.732). L’usage d’une signature électronique « certifiée » permet de présumer la fiabilité de la signature devant les juges.
En matière de preuve, les articles 1366 et 1367 du Code civil posent les principes d’équivalence des écrits papier et électronique, de l'importance de l'identification du client et de l'intégrité du contenu échangé en ligne. Le plus souvent les échanges de SMS et de courriers électroniques ne comportent pas de signature électronique permettant de certifier l'identité du signataire. Dans ce cas, les impressions d'écran sont insuffisantes et l'encaissement d'un chèque rédigé au nom du bénéficiaire ne permet pas d'établir la réalité des faits dénoncés. Sans signature électronique, les courriers électroniques et les SMS ne constituent pas des "écrits" au sens du Code civil. Ils ne sont que des commencements de preuve par écrit. (CA Aix-en-Provence, 12 déc. 2019, n° 17/14585 , CCE n° 3, mars 2020, comm. 30 Caprioli).
e) Le consommateur lors de la commande doit connaître son obligation de paiement avec une mention du type "commande avec obligation de paiement" ou "achat intégré". À défaut le contrat est nul. (Art. L221-14 c. cons.).
Pour la réservation d'une chambre d'hôtel, le bouton "finaliser la commande" suscite des débats. Mieux vaut opter pour un bouton du type "commande avec obligation de paiement" (CJUE 7 avril 2022 C‑249/21 Fuhrmann-2-GmbH).
Remarque : Il ne devrait pas y avoir de jeux faussement gratuits. La mention "gratuit" dans l'offre d'application devrait concerner l'ensemble du service offert et non simplement son téléchargement initial. Il faut aussi veiller à ne pas lancer d'achat par "défaut" sans une démarche volontaire du consommateur.
Pour aller plus loin à ce sujet : Achats d’applications intégrées dans un jeu: l’action commune de la Commission européenne et des États membres aboutit à une meilleure protection des consommateurs dans les jeux en ligne
http://europa.eu/rapid/press-release_IP-14-847_fr.htm
f) Un droit de rétractation est prévu aux articles L. 221-18 C. Cons et suivants. Le consommateur dispose d'un véritable droit au remboursement de son achat pendant quatorze jours après la réception de son produit ou de la conclusion du contrat de service. Ainsi, sauf à faire jouer ce droit de rétractation dans les 14 jours, l'achat d'un mineur en ligne est en principe valable. C'est un acte de la vie courante.
Cependant, pour bénéficier de ce droit de rétractation, le consommateur doit faire face à un système de vente à distance organisé. (Cour de cassation, 1ère civ., 31-8-2022, n° 21-13.080 F-B). (Code de la consommation, art. L 221-1, 1°). Lorsque le site n'est pas un système de vente à distance organisé mais simplement un site vitrine, le droit de rétractation ne s'applique pas. Il ne s'applique pas non plus lors d'une prise de contact par courriel. La notion de "système organisé" englobe les plateformes en ligne, mais ne s'étend pas aux sites qui se contentent de fournir des informations sur un professionnel, ses produits ou services, ainsi que ses coordonnées.
Lorsque le droit de rétractation porte sur un service dont l'exécution a commencé, à la demande expresse du consommateur, le montant remboursé au client est le prix de l’ensemble des prestations, moins le prix des services déjà effectués calculés proportionnellement au temps "déjà utilisé" par le client (pour une application de rencontres CJUE PE Digital GmbH 8/10/2020 C‑641/19). S’il est possible d’entamer le travail et d’être payé avant la fin du délai de rétractation, il faut obtenir un accord écrit du client pour que le service débute avant la fin du délai de rétractation ( Cass. civ. 24 janvier 2024 22-22.020). Lorsque le contrat prévoit que la prestation est fournie intégralement dès le début de l’exécution du contrat, cette somme ne sera pas à rembourser au consommateur.
Il est nécessaire de bien informer le consommateur avant la conclusion du contrat sur ce droit et par exception sur son absence d'application (Location saisonnière, Airbnb sanctionné pour défaut d’information).
Comment faire lorsqu’on ne peut pas mettre toutes les informations obligatoires ? Dans le cas où le contrat est conclu à travers une technique de communication qui impose des contraintes d’espace (par exemple, petit écran, flyer, carte postale), ou de temps (par exemple, spots de téléachat) le professionnel est uniquement tenu de fournir au consommateur, sur la technique en question et avant la conclusion du contrat, l’information portant sur les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit de rétractation. Le professionnel peut ensuite fournir le modèle obligatoire de formulaire de rétractation par une autre source (email par exemple). Dans ce cas, cette communication du formulaire n'est pas faite obligatoirement avant la conclusion du contrat. (CJUE 23 janvier 2019 C-340-17).
Lorsqu'un professionnel indique un numéro de téléphone sur son site internet, il doit être mentionné dans les informations standardisées relatives à l'exercice de la rétractation (CJUE, 14 mai 2020, aff. C-266/19).
Il existe des cas dans lesquels ce droit de rétractation est inapplicable (Voir art.L221-28 et 221-2 C.cons.).
g) Les questions de la garantie légale de conformité et des vices cachés doivent être gérées ( Obligation de conformité dans les contrats de vente de biens (Articles L217-1 à L217-32);. art.1641 C. civ) ainsi que les questions relatives à la livraison (Délivrance, fourniture et transfert de risque (Articles L216-1 à L216-8 C. cons.) .
h) De même le professionnel est responsable de "plein droit" à l'égard du consommateur en cas de litige. Il s'agit d'une sorte d'obligation de résultat pour le professionnel (art. L 221-15 C. Cons.). C'est donc au professionnel de supporter le coût du mauvais fonctionnement sauf exception. De ce fait, de nombreuses clauses supprimant la responsabilité du professionnel sont inopposables au consommateur en cas de litige. À noter que le transporteur du produit ne peut être considéré comme un tiers au contrat avec le vendeur (Cass. 1re civ., 13 nov. 2008, n° 04-14.856), sauf le cas particulier de la Poste. L'acheteur peut se retourner contre le vendeur pour obtenir une indemnisation intégrale, même si le transporteur a offert une indemnisation forfaitaire (Cass. 1re civ., 3 févr. 2021, n° 19-21.046). Le vendeur ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité en cas de défaut de livraison de la chose vendue.
i) Le commerçant en ligne doit proposer un service de médiation (art.211-3 C. Cons.), par exemple celui mis en place par la Commission européenne.
j) La résiliation des contrats conclus par voie électronique a été simplifiée et peut avoir lieu entièrement en ligne à travers l'application en quelques clics ( Décret n°2023-417 du 31 mai 2023 & article L.215-1- 1 C. Cons. & art. D. 215-1. et suiv. C. Cons.).
k) Enfin, il faut prendre en compte pour chaque activité sa réglementation spécifique :
- Par exemple, Airbnb a manqué à ses obligations légales selon une décision du 2 février 2018 du TI de Paris. Selon l'article L.324-2-1 du Code du tourisme, la plateforme est tenue notamment d’une obligation d’information du loueur sur ses obligations de déclaration ou d’autorisation préalable ou de publication de son numéro d'enregistrement à la municipalité. Des CGV peuvent éventuellement remplir ce type d'obligation d'information.
- Autre exemple spécifique, un décret du 30 mai 2018 fixe les fonctionnalités du coffre-fort numérique.
- Autre exemple, portant sur la vente de denrées alimentaires, le professionnel doit communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations exigées par le règlement (UE) n° 1169/2011 dit INCO (C. consom. art. L 412-8 nouveau).
- autre exemple, la réglementation applicable aux enchères sur internet ;
- Concernant plus spécifiquement les plateformes en ligne de référencements et classements de produits ou services par le moyen d’algorithmes (L 111-7 C. Cons. et D. 111-6 suiv. C. Cons.). Cette réglementation n'est pas applicable aux sites rédigés par des journalistes (T jud. Paris, 24 nov. 2020 CLCV/BE LABO FNAC). Celles-ci doivent délivrer au consommateur une information loyale, claire et transparente sur les conditions générales d'utilisation du service d'intermédiation et les modalités de classement ou de référencement. Elles doivent également signaler l'existence de certains liens d'intérêt, que ce soit sous forme d'une relation contractuelle, d'un lien capitalistique ou du versement d'une rémunération, lorsque ceux-ci ont eu une influence sur le classement ou le référencement. Pour les plateformes publiant des avis de consommateurs en ligne, elles sont soumises à une exigence particulière de loyauté (art L. 111-7-2 C. Cons, art. D 111-7 & D 111-8 C. Cons et suivants.
l) Il reste que les documents proposés par les professionnels contiennent de nombreuses clauses illicites et abusives. Pour les CGV des réseaux sociaux, on consultera avec intérêt la longue liste de ce qui ne doit pas être proposé aux consommateurs. (Recommandation n° 2014-02 relative aux contrats proposés par les fournisseurs de services de réseaux sociaux)
Remarque : De nombreuses applications sont à télécharger "gratuitement", ce qui limite la portée des textes ci-dessus puisque plusieurs exigences deviennent sans objet (clauses sur le prix, droit de rétractation du consommateur, etc.). Il n'en reste pas moins que des "clauses abusives" ou contraires à l'ordre public ne sont pas légales même dans le cas de services gratuits.
4. Les obligations vis-à-vis des professionnels (B to B) :
Le cadre légal des CGV/CGU destinées aux professionnels est plus souple que dans le BtoC.(art. 441-6 et suivants C. Commerce). Toutefois, la vigilance reste de mise face au "mille feuille" législatif.
"Dès lors en l’état des éléments versés aux débats, et quand bien même la société Viaticum serait un professionnel de l’internet, la société Tripadvisor LLC ne démontre pas comme elle le soutient qu’au moment de la création du compte utilisateur Bourse des Vols le 28 novembre 2013, la société Viaticum a eu connaissance des conditions générales d’utilisation 2013 et les a acceptées. Dès lors la clause attributive de juridiction figurant dans ces conditions générales d’utilisation n’est pas opposable à la société Viaticum." (extrait CA Paris 6 janvier 2021 - site Legalis).
Sur la question de la conservation des factures électroniques au regard du droit fiscal : BOI-CF-COM-10-10-30-10, 7 févr. 2018, § 100 à 109 et 175
5. Le droit applicable entre non professionnels
Au-delà du Code de la consommation et du Code de commerce, il existe un droit commun du contrat électronique issu du Code civil qui s'applique, en l'absence de disposition spécifique, à toutes les relations nouées entre particuliers.
Il se peut que le litige ne concerne que des particuliers dans le cadre d'une relation CtoC (location saisonnière ...). Dans ce cas, le Code de la consommation ne s'applique pas entre particuliers. Il faudra le préciser dans les CGU / CGV , ainsi que la qualité des parties au contrat (particulier / professionnel).
Il s'agit principalement de dispositions relatives à la formation du contrat (art. 1125 et ss.), à la forme du contrat ( article 1174 et ss.), et enfin à la preuve et la signature électronique ( art. 1363 et ss.).
6. Les données personnelles du client
C'est l'autre "trésor" que visent notamment les vendeurs, les éditeurs d'applications, mais aussi les intermédiaires techniques. Il s'agit des données permettant d'identifier une personne physique, directement (nom, adresse, email, photo...) ou indirectement (adresse IP dans certaines hypothèses, géolocalisation ...).
En bref, le vendeur, qui sera qualifié de "responsable du traitement", ne pourra négliger la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 et le nouveau cadre européen du RGPD. Le RGPD est applicable depuis mai 2018, il convient de mettre en place un véritable contrôle de la conformité au RGPD ( voir sur le site de la CNIL : "Règlement européen : se préparer en 6 étapes").
Souvent :
- Les applications accèdent massivement aux identifiants de l’utilisateur (nom, numéro de téléphone ….)
- La géolocalisation de l’utilisateur est une donnée très recherchée (30% des évènements détectés selon la CNIL)
- Les éditeurs des systèmes d'exploitation des smartphones (Google, Apple, Microsoft...) ont un rôle prépondérant dans la régulation de cette collecte.
Ainsi, des achats en ligne d'application, une opération publicitaire, l'offre d'un jeu promotionnel, une opération de prospection de clients génèrent des questions de données personnelles.
Avoir une page Facebook, implémenter des cookies ou des boutons de partage, est loin d'être anodin. Ainsi l'éditeur de la page Facebook est coresponsable du traitement selon la CJUE (5 juin 2018 C 210/16). L'implémentation des cookies et autres traceurs est encadrée par une réglementation complexe selon les hypothèses.
Pour que la collecte et l'exploitation de données personnelles soient légales, l'utilisateur final doit être informé de plusieurs éléments, par exemple, ses propres droits, la finalité de la collecte, la personne responsable de la collecte, le destinataire des données, la durée de la conservation, le type de données collectées, l'utilisation de la géolocalisation, etc. Une charte relative aux données personnelles ainsi que des mentions sur les formulaires de collecte de données personnelles sont des outils habituels d'information.
L'utilisation de la donnée personnelle doit être justifiée par la finalité de la vente.
L'acheteur, dans certaines hypothèses, doit donner son consentement spécial pour l'exploitation de ses données. Ainsi, le recueil trop général ou "en bloc" du consentement lors de l'installation d'une application ne permet pas de valider cette exigence. Par exemple, l'autorisation de collecter les données de géolocalisation pour plusieurs finalités ou de manière binaire sous la forme « Autoriser l'application à accéder à la position de cet appareil ? Avec la réponse sous la forme [Refuser – Autoriser ], n'est pas satisfaisante pour la CNIL. (CNIL, délib. n° 2018-288, 5 juill. 2018; CNIL, délib. n° 2018-287, 5 juill. 2018; CNIL, délib. n° 2018-344, 18 oct. 2018;CNIL, délib. n° 2018-343, 8 nov. 2018)
Le professionnel devait procéder à une déclaration à la CNIL pour son activité avant 2018. Cette formalité n'existe plus, sauf exception, depuis mai 2018. Mais il convient de mettre en place un dossier spécifique relatif aux données personnelles ainsi que de remplir de multiples obligations. Ce qui n'est pas beaucoup plus simple... Il n'est pas rare que l'application interagisse avec Google, Apple, ou avec les réseaux sociaux (Facebook ...).
7. Un autre point à ne pas oublier : la Propriété intellectuelle et la concurrence déloyale
Comme pour tout projet innovant, la propriété intellectuelle doit être gérée, tant pour le droit d'auteur (droit sur le code informatique, sur les textes, les images et les sons utilisés dans l'application) que pour le droit des marques (ne pas utiliser un nom ou un logo déposé par un concurrent est le minimum à respecter).
- Par exemple, Une application de jeux très proche de sa concurrente a ainsi été condamnée pour concurrence déloyale (TGI Paris 30 juin 2017). Sans reconnaître la contrefaçon, le tribunal a ainsi estimé que la reprise - d'un procédé différent, mais assurant la gratuité du jeu et le financement de la cagnotte (à savoir le visionnage d'une publicité) - d'une même fréquence de loteries (par jour, semaine, mois et spéciale), - d'une ergonomie proche, traduit un comportement fautif de la part de la seconde application.
Pascal Reynaud (c) 2024
avocat au barreau de Strasbourg
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