8. La légalité d'un lien hypertexte vers une oeuvre protégée ?

Pour comprendre la nouvelle décision de la Cour européenne de justice du 8 septembre 2016, GS Media BV contre Sanoma (C‑160/1) sur les liens hypertextes, il faut avoir en tête au moins deux décisions. 

Il s'agit de l’arrêt Svensson (C‑466/12) et de l’ordonnance BestWater International (C‑348/13). Dans ces décisions, la Cour a jugé que le placement sur un site Internet d’hyperliens vers une œuvre protégée librement disponible n’est pas une «communication au public». (point 24 de l’arrêt Svensson). Dès lors, il n'y avait pas contrefaçon de droit d'auteur du fait de ce lien.

Dans ce nouvel arrêt, il s'agit de savoir si le fait de placer, sur un site Internet, un lien hypertexte vers des œuvres protégées, librement disponibles sur un autre site Internet, sans l’autorisation du titulaire du droit d’auteur, constitue une « communication au public » et donc une contrefaçon.

La Cour ne donne pas une simple règle pour trancher la question. Elle fournit une série d'indices pour distinguer le lien licite de l’illicite.

• Celui qui rédige le lien le fait-il dans un but lucratif ?
• Sait-il ou doit-il savoir que le lien hypertexte qu’il a placé donne accès à une œuvre illégalement publiée sur Internet ? 
• Le lien permet-il d'avoir accès à des contenus en accès restreint ? 

Ainsi le débat judiciaire s'orientera autour de la bonne ou mauvaise foi du rédacteur du lien.

Ce critère avait été évacué du droit français, au moins devant les juridictions civiles en matière de contrefaçon de droit d'auteur. On retenait traditionnellement les faits matériels plutôt que l'intention du contrefacteur pour juger de la contrefaçon. La logique est ici inversée et constitue une solution intermédiaire. 

Il était difficile de déclarer automatiquement contrefacteur tout rédacteur de lien vers un contenu illicite. Il était aussi peu raisonnable de ne jamais pouvoir rechercher sa responsabilité. 

Me Pascal Reynaud

reynaud.avocat@gmail.com